Le Champ des Possibles : retrouvailles théâtrales réussies au Piano’cktail
Mercredi 26 mai, Piano’cktail, Bouguenais, 19h.
L’atmosphère de la salle respire la bonne humeur, la détente, le calme, le soulagement sans doute. Pas d’empressement, chacun s’assied par petits groupes, respectant l’espacement entre les sièges, l’équipe a le sourire, et le directeur de la salle vient glisser quelques mots avant le début du spectacle. « Dans l’ombre, le théâtre reste vivant », résidences et spectacles auprès des scolaires ont perduré au cours de ces derniers mois confinés.
Une mini-saison grand public débute en cette fin mai, avec le seule-en-scène Le Champ des Possibles, écrit, interprété et mis en scène par la talentueuse Elise Noiraud de la Compagnie 28. Dans ma redécouverte ébahie d’un lieu culturel après des mois de disette théâtrale, je m’immerge très vite dans le spectacle, omettant quelques dizaines de minutes l’écriture à venir de ma chronique.
Elise, 19 ans, s’installe à Paris où elle s’apprête à débuter des études en lettres modernes à la Sorbonne. Recherche d’un studio exigu, inscription administrative chaotique à l’université, arrivée remarquée lors de son premier cours, tensions familiales autour de son retour éventuel pour le week-end, elle relève les défis inhérents aux débuts de la vie étudiante. S’ensuivent différentes expériences de jobs étudiants, ses premiers cours de théâtre, son immersion au sein de diverses associations étudiantes… On pourrait craindre un instant de se heurter à des clichés, mais c’est avec beaucoup de justesse et d’humour qu’Elise Noiraud dépeint ce passage clé vers l’indépendance.
Ce moment, où soudain, le champ des possibles semble s’ouvrir devant nous. Un bouillonnement de vie, d’adrénaline, de joies, d’idées, de difficultés et de désillusions aussi. Fil rouge de ce seule-en-scène, les contradictions intérieures d’Elise, qui oscille entre le souhait de profiter de sa vie parisienne et des opportunités qui s’offrent à elle, et la volonté de faire plaisir à sa famille, notamment à sa mère quelque peu envahissante, et son père, un peu trop silencieux.
Des tiraillements brillamment mis en scène, par une alternance du tourbillon de pensées de la jeune fille en voix off, et des mots, plutôt rares, qu’elle exprime auprès de sa famille. Un apprentissage douloureux de la mise à distance de la parole familiale au profit de ce qu’on veut vraiment, soi, pour parvenir, en dépit des incertitudes et des tâtonnements, à trouver sa place.
La comédienne endosse à elle seule l’ensemble des personnages, dans une mise en scène épatante de lumières et de musique. On rit, on s’émeut, on se retrouve dans ce personnage attachant, avec qui on serait avide de poursuivre la route. On ne peut qu’être impressionné par la performance d’Elise Noiraud, qui signe cette pépite drôle et touchante, et qui vient glisser quelques mots de remerciement « de la fille qui n’a pas joué sur scène depuis novembre ».
Agathe
Rendez-vous au Piano’cktail pour la mini-saison jusqu’au 11 juin