Du Saumurois à la Turquie : voyage au cœur des Troglo
En ce froid dimanche de fin novembre, quoi de mieux qu’une sortie cocooning au Théâtre du Cyclope ? Rien que le petit passage qui mène à l’entrée réchauffe les cœurs, avec sa guirlande de lumières colorées. Après le contrôle des billets, il ne reste plus qu’à se lotir dans les fauteuils ultra-confortables… Et se laisser transporter par un conte théâtral et musical jusqu’aux confins de la Turquie.
La scène est dépouillée, avec seulement un tapis oriental au sol et quelques instruments de musique. Ils ne sont que deux à prendre place : une comédienne (May) et un musicien (Ewan). Et pourtant, tout un monde va naître sous nos yeux !
May, par son mime et son jeu, convoque de multiples personnages, avec chacun sa personnalité, sa gestuelle et sa façon de parler.
Ewan ne se contente pas d’utiliser toutes sortes d’accessoires pour créer une ambiance musicale (bouzouki, duduk, saxophone… mais aussi emballage de bonbon ou sifflement d’oiseau), il fait naître un orchestre en enregistrant en direct des sons pour les superposer et créer des morceaux aux inspirations proche-orientales.
Tous deux unissent leurs voix en alternant des prises de parole et des chants en français, anglais et turc. Ils passent d’une langue à l’autre avec une facilité déconcertante et sans perdre le spectateur.
L’histoire démarre tout près de chez nous, dans un village du Saumurois. Vous connaissez le Val de Loire pour ses châteaux, Chambord, Chenonceau ou Amboise ? A force d’extraire la pierre de tuffeau pour édifier ces immenses demeures, les artisans de la Renaissance ont creusé des centaines de galeries souterraines… Dont certaines sont toujours habitées.
Louise, « la vieille folle » au dos courbée aime sa grotte. Le dédale de pièces lui rappelle les fouilles archéologiques effectuées dans sa jeunesse, et lui laisse penser qu’elle pourrait trouver une porte dérobée. Nous faisons la rencontre d’un premier personnage haut en couleur du récit, et il y en aura bien d’autres !
La jeune Ondine se lit d’amitié avec Louise, « fascinée par cette vieille dame dont le corps avait pris la forme de la roche qu’elle habitait ». Ondine aussi est connectée aux éléments de la nature, et en particulier à la Loire, fleuve magique qui lui permet de rejoindre instantanément les bords du Tigre. Elle découvre alors un peuple qui parle des langues différentes (arabe, turc, kurde) mais qu’elle comprend malgré tout, partageant leurs joies et leurs peurs.
Ondine, Louise et les habitants d’Hasakeyf en Turquie sont liés par leur amour de l’habitat troglodytique, de la nature et des traditions. Et tous doivent lutter quand « les galeries s’effondrent sous le poids de la modernité ».
Le spectacle a commencé avec des airs de conte pour enfant, convoquant une dame bossue et des péripéties extraordinaires (la crue de la Loire et la fuite avec Marcel le ragondin qui permettent de se téléporter en Turquie). Mais au fil de la narration, il gagne en profondeur et soulève des problématiques actuelles : le tiraillement entre confort et modernité, la décision des puissants face aux souhaits des habitants, ou encore le bouleversement de l’environnement par la main de l’Homme.
Ce qui rend cette histoire si touchante, c’est qu’elle est tirée de témoignages collectés en Anjou et en Turquie. Des enregistrements audio sont d’ailleurs diffusés à la fin du spectacle… Bientôt une exposition photos permettra de se projeter dans ces lieux particuliers que sont les troglo.
« Tigris » au Théâtre du Cyclope, 28 novembre 2021
Par la compagnie La lionne à plumes
Ecrit par May Bindner (comédienne) & Ewan Baker (musicien)
Mise en scène : Kirsty Baker
Article de Maurane Violet pour l’Atelier des Initiatives