Pascal Rophié fait ses adieux à l’ONPL avec le concert du Requiem de Berlioz.
Lundi 27 juin 2022 à 20 h l’entrée de la cité des congrès fourmillait de têtes aux cheveux blancs majoritairement, les chanceux ayant leur place s’avançaient tranquillement dans l’entrée, les audacieux attendaient devant la cité des congrès avec une pancarte « cherche place pour ce soir ».
Ils savaient certainement que ce soir n’allait pas seulement être l’extraordinaire concert du Requiem de Berlioz donné par l’Orchestre National des Pays la Loire, mais aussi le dernier concert du chef d’orchestre Pascal Rophé, pour l’ONPL qu’il dirigeait depuis 2014.
Ce concert exceptionnel rassemblait les chœurs de l’Opéra de Nantes Angers et de l’orchestre national des pays de la Loire, soit quasiment 150 voix à vibrer dans toutes les nuances d’émotions et de tessitures.
J’étais surprise que la musique classique provoque autant d’engouement au point de faire un éventuel trafic de billet tel à un concert du Hellfest.
À la différence du Hellfest, ce n’est pas la bière qui coule dans les allées ici, mais le champagne qui se boit discrètement avant l’entrée dans l’auditorium.
J’assiste alors au Requiem de Berlioz, duquel je ne connais rien avant que mes oreilles se régalent des 150 voix du chœur de l’orchestre et d’autant de musiciens.
Les choristes sont en place à l’arrière de la scène, les percussionnistes sont à la démarcation entre le chœur et le reste des musiciens.
Alors que je m’attendais à un concert « triste » en assistant à un requiem, je réalise à l’écoute que ce requiem contient une palette d’émotions variées. IL ne s’agit pas uniquement de pleurer les morts et aussi d’honorer son souvenir dans la nostalgie.
Composé de dix « mouvements », chaque mouvement est comme une scène dont les images se fabriquent en fermant les yeux et en écoutant la musique.
Ainsi, le troisième mouvement, Rex tremendæ alterne des envolées audacieuses dans la joie et l’élan avant de sombrer dans les profondeurs du désespoir pour finir dans le calme.
Lacrimosa, le cinquième mouvement, alterne légèreté, douce nostalgie, frissons, délicatesse dans la douleur. On frôle le tragique et le chaos émotionnel revient dans de grandes envolées : le tragique et la douce nostalgie se rejoignent pour chanter toutes les nuances d’émotions, les violoncelles enveloppent le deuil. Les flutes et le chœur portent le souvenir des défunts.
Ce requiem avait été commandé à Berlioz en 1837 par le ministre de l’Intérieur de l’époque pour honorer la mémoire des soldats de la révolution de juillet 1830.
Pour autant, ce requiem a la puissance de l’universel, il porte en lui toutes les émotions d’un deuil, alternant la « légèreté » du souvenir et la gravité de la perte caractérisé par les tonalités graves.
Les envolées de l’ensemble des musiciens et du chœur nous emportent comme si l’ensemble retenait le défunt de la mort. Il y a de l’orage dans les voix du chœur, dans les tambours qui dégagent une ferveur sincère et puissante.
La musique classique est une grammaire étrangère pour moi, je ne connais aucun code. Je suis en réceptivité totale. Je n’ai pas de référence, je ne fais pas de liens avec d’autres requiems, avec d’autres œuvres de musique classique. L’écoute est totale, le public a l’élégance de ne tousser qu’entre les séquences.
Le concert se joue dans la salle dédiée à l’ONPL du palais des congrès, où l’acoustique est telle qu’il n’y a aucun micro. Je me demande si les oreilles des connaisseurs distinguent les variations d’un Requiem joué par l’ONPL de celle jouée par un autre ensemble.
Étant donné qu’il n’y a aucune improvisation, que toute la partition est jouée sans aménagement, je me demande où est la variation ? Dans la nuance d’un souffle, de l’intention, de la vibration, dans tout ce que dégage chacun des 300 musiciens précisément à cet instant donné. Par ce requiem, je voyage dans une douceur bercée de nostalgie, de tragique, de désespoir et d’un doux souvenir mélancolique.
Le concert s’achève sur une ovation et les adieux du chef d’orchestre, pour autant, il n’y aura pas de rappel. Il y aura un renouveau, un nouvel élan lors de la prochaine saison de l’orchestre National des Pays de la Loire à nous faire vibrer.
Rédaction : Nina Helleboid