Buffles, une fable urbaine
Le 14 mars, je me suis rendue au Piano’cktail, le théâtre municipal de Bouguenais. Je ne connaissais pas du tout ce théâtre, assez éloigné du centre de Nantes, mais j’avais souvent été attirée par sa programmation éclectique.
Quand je suis arrivais au Piano’cktail, le hall était rempli. J’étais vraiment intriguée de découvrir la pièce Buffles de la Compagnie Arnica et de voir comment était utilisée la marionnette dans une pièce de théâtre contemporain.
Pau Miró est l’auteur du texte Buffles, ici mis en scène par Émilie Flacher, c’est un conte urbain nous décrivant la vie d’une famille de buffles, vivant dans un quartier populaire de Barcelone et y tenant une blanchisserie. Mais ceux-ci doivent faire face à la disparition soudaine de leur plus jeune frère, Max, qu’ils soupçonnent avoir été emporté par les lions, qui errent dans les rues de Barcelone.
Lorsque l’on arrive dans la salle, le décor de la blanchisserie est déjà là, deux néons éclairent la scène d’une lumière froide. Au moment où la pièce commence, le décor, sur roulettes, s’ouvre comme pour nous laisser entrer dans la blanchisserie. Cette scénographie modulable va permettre aux comédien.nes de changer de lieu au fur et à mesure du récit, de recréer l’intérieur de la blanchisserie mais aussi l’église, les rues de Barcelone et de nous faire imaginer d’autres lieux comme la chambre de Max et l’atelier du père.
La majorité du récit se déroule tout de même à l’intérieur de la blanchisserie, qui est également le lieu d’habitation de la famille. Face à un extérieur hostile, les jeunes buffles grandissent ensemble, presque en vase clos. L’histoire s’ouvre avec la disparition de Max, alors âgé de 8 ans, les parents disent aux cinq autres frères et sœurs qu’il a été emporté par les lions. Puis la mère disparaît à son tour dans des conditions mystérieuses, dans la famille, ni le père, ni la fratrie ne parle de ces disparitions. Le silence s’impose et avec lui, la tristesse, la colère et l’angoisse, les frères et sœurs livrés à eux-mêmes grandissent ensemble puis finissent pas être eux aussi habités par une certaine violence.
C’est tout un questionnement qui nous est donné à voir autour des non-dits, des sacrifices, de la solitude, du clan et de la famille.
« A travers cette intrigue fabuleuse, c’est la question des sacrifices (consentis ou nécessaires) pour parvenir à l’équilibre d’un groupe qui est posée : jusqu’à quel point, à quel prix, l’intérêt collectif doit l’emporter sur l’intérêt individuel ? »
J’ai trouvé les personnages des frères et sœurs très intéressants, on suit vraiment leur évolution jusqu’à l’âge adulte et on se rend compte de l’impact des événements familiaux dans la vie de chacun et comment ils se construisent avec ça.
Les marionnettes étaient vraiment impressionnantes, avec de très beaux masques et tout un corps articulé. Il y avait un gros travail autour de la gestuel mi-humaine, mi-animal. Le fait d’utiliser cet aspect onirique et irréel de la marionnette permettait de contrebalancer avec la dureté du récit.
Cependant, ce qui m’a parfois un peu perdue durant la pièce c’était justement de naviguer entre l’aspect fabuleux et onirique et l’aspect plus réel du récit, ancré dans le contexte de la crise économique dans un quartier populaire de Barcelone. J’ai senti que j’avais besoin d’un apport en plus après le spectacle, d’en apprendre plus sur le texte original afin d’éclairer certaines zones d’ombre et de mieux comprendre les objectifs de la pièce.
J’ai tout de même été embarquée par l’intrigue et touchée par ces cinq frères et sœurs et par leur relation ainsi que par l’esthétique des marionnettes et de la scénographie qui nous transportait dans un ailleurs, une jungle urbaine où se côtoient buffles, lions, antilopes et éléphants.
Chronique de Loane Donniou
Lien vers le site du Piano’cktail
Crédit photo : Michel Cavalca