12 novembre 2020

Chanter n’est pas tromper ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer Derya Yildirim.

Nous sommes le soir du 5 novembre 2020, nous avons entamé la première semaine de ce second confinement. Ce soir, j’aurais dû être au concert de Derya Yildirm & Grup Şimşek à Rezé, dans la salle Saint Paul. Mais non, je dois rester chez moi. Le concert a été annulé. Je n’ai pour seul réconfort que la compagnie de Morphée à mes côtés, alors rêvons…

J’entre dans la salle de concert et m’empresse de me rapprocher de la scène. Je choisis très précisément ma place : légèrement décentrée sur la droite de la scène, au cinquième rang, suffisamment proche pour être auprès des musiciens, tout en permettant d’avoir une vue d’ensemble. Les artistes arrivent sur scène, branchent leur instrument et se mettent à jouer un rock anatolien de toute beauté ! Mais qu’est-ce que le rock anatolien ? C’est un mouvement musical venant de Turquie, mélangeant rock psychédélique et musique traditionnelle, né dans les années 60 et porté alors par une jeunesse en opposition à la politique conservatrice qui gagnait alors le pays. Cette musique se caractérise par le mélange d’instruments rock (guitare, basse batterie, clavier orgue) avec du chant turc mais aussi par des particularités rythmiques et harmoniques propres à cette culture. Bref, du mariage réussi entre l’Orient et l’Occident est né le rock anatolien. Un temps délaissé, il renaît de ces cendres ces dernières années avec le succès du groupe comme Altin Gün mais aussi avec Derya Yildirim.

Durant 1h20, les musiciens jouent une bonne partie de leur dernier album, Kar Yagar, ainsi que de leur précédant EP. La liste des morceaux alterne morceaux instrumentaux et chantés. Et il faut bien admettre que les morceaux chantés par Derya Yildirim, accompagnée d’un saz (instrument similaire à un luth au manche long et étroit), sont les plus ensorcelants. Son chant de gorge, qui se module de quarts de ton auquel est ajoutée de la réverbération, captive, happe l’auditeur et nous fait voyager à travers l’Orient. Rare ont été les voix qui ont provoqué sur moi une telle émotion, celle-ci en est. Loin de tout effet de puissance, sa voix me paraît si sincère et humaine qu’on ne peut que s’en amouracher. À travers elle, c’est une part de la Turquie que nous recevons, résultat d’un brassage culturel millénaire entre les peuples qui l’ont traversée. Le groupe qui l’accompagne n’est pas non plus en reste et arrive à parfaitement mettre en valeur les talents de chanteuse de Derya mais aussi à s’exprimer à l’occasion de soli de clavier ou de flûte.

Le voyage musical se poursuit enchainant les morceaux, avec l’enthousiasme communicatif de Derya Yildirim. J’ai une préférence particulière pour Bir Kardeşim et pour Nem Kaldi qui m’a fait découvrir cette artiste. Les applaudissements sont mérités pour un tel voyage qui m’a fait oublier le temps d’un concert qu’un monde en dehors de la salle s’agitait. Un dernier rappel pour notre plus grand plaisir afin d’emporter avec nous un dernier éclat de cet univers musical pour le reste de la nuit…

Vendredi 6 novembre, 7h00, le réveil sonne, une nouvelle journée commence. Cette nuit, j’ai fait un beau rêve. Cette nuit, j’ai fait un beau voyage en compagnie de Derya Yildirim et son groupe. J’ai bien envie de me rendormir…

Jean-Rémy

Derya Yildirim & Grup Şimşek : Derya Yildirim (chant, saz), Antonin Voyant (guitare, flûte), Graham Mushnik (orgue), Andrea Piro (basse), Greta Eacott (batterie).

Pour aller plus loin :