9 novembre 2022

Delphine et Carole, insoumuses, un film hommage

Un jour, en passant devant le Cinématographe, mon regard est attiré par la très belle affiche du cycle consacré à Delphine Seyrig. Quelques semaines plus tard, je vois qu’il est proposé sur la liste du Blog des spectateurs. La place étant encore vacante, je me suis hâté de m’inscrire afin de pouvoir me replonger dans la filmographie de cette actrice et réalisatrice qui me fascine.

J’ai découvert D. Seyrig dans Peau d’âne, film culte de mon enfance, que j’ai visionné de nombreuses fois. Sa voix chaude et grave m’a marquée. C’était le seul film que j’avais vu avec elle jusqu’à ce que, des années plus tard, en licence de cinéma, une de mes profs nous propose de faire un dossier sur l’un.e des vidéastes de la liste. Que des hommes excepté une : Carole Roussopoulos. Mon âme de féministe s’est mise à vibrer, je la choisis immédiatement.

C’est alors que je me suis mise à explorer l’œuvre de cette pionnière de la vidéo, qui souhaitait donner la parole aux femmes, utilisant la vidéo comme outil politique, outil de lutte et d’expression. J’ai emprunté les quelques films de Carole à la BU et c’est là que je pris connaissance du travail de Seyrig en tant que réalisatrice.

Delphine et Carole, insoumuses est un film réalisé par la petite-fille de Carole, Callisto McNulty. Il met en lumière ces deux figures du féminisme qui m’inspirent tant. Il m’a permis de replonger avec bonheur dans des vidéos que je n’avais pas vues depuis plus de dix ans telles que « SCUM Manifesto », « Maso et Miso vont en bateau » (qui tourne en dérision Françoise Giroud, alors secrétaire d’Etat à la condition féminine lors d’une émission de télé consacrée à « l’année de la femme ») ou encore le fameux « Y a qu’à pas baiser » où l’on voit une vieille dame répondre avec un sourire mutin, pendant une manifestation pour le droit à l’avortement : « Y a qu’à pas baiser ! ».

On y retrouve aussi des extraits d’interviews de Carole et Delphine, d’extraits de films de Delphine Seyrig, dont certains que l’on peut retrouver au Cinématographe actuellement, et d’autres que j’ai très envie de voir comme celui réalisé par Delphine, « Sois belle et tais-toi ». Elle y interroge différentes actrices, américaines et françaises, à propos de la misogynie au cinéma, le traitement qui est fait aux actrices ainsi que les injonctions sur leur apparence. Jane Fonda, à qui on demandait de se mettre des faux seins parce qu’on jugeait les siens trop petits par exemple ou à qui on a dit qu’avec son nez, elle ne pourrait jamais jouer les tragédiennes. Ce genre de propos qui fait bondir.

Ce film est bien réalisé, il est fluide et riche en extraits. C’est un vibrant hommage à la sororité qui nourrit le travail des deux vidéastes, qui en est même le moteur. Je pense par exemple à l’occupation d’une église par des prostituées à Lyon où Carole a réussi à rentrer dans l’église, afin d’échanger avec ces femmes sur leurs revendications et a permis de faire entendre leurs voix en installant des petites télés à l’extérieur de l’église sans les mettre en danger.

Il met aussi en lumière la belle amitié qui reliait Delphine et Carole.

Les nombreux extraits d’interviews de Delphine Seyrig m’ont permis de mieux connaître l’actrice et son rapport au féminisme, de percer un peu mieux ce mystère qui l’entoure, elle qui me semblait dégager une aura mystique, et également de me délecter d’une interview sans fard de Carole Roussopoulos, toujours une clope à la main.

Je conseille donc ce film à celles et ceux qui voudraient découvrir l’engagement de ces deux femmes et amies, ou à celles et ceux qui comme moi souhaitent retrouver le travail et les œuvres de ces deux artistes, féministes de terrain.

Il suscitera, c’est certain, votre curiosité afin d’aller plonger dans les nombreuses vidéos des Insoumuses et viendra éveiller votre envie de rejoindre la lutte pour les droits des femmes, si ce n’est pas déjà le cas.

Anaïs

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