17 janvier 2022

J’aurais aimé savoir ce que ça fait d’être Nina Simone et Chloé Lacan

Écrire une critique, c’est un drôle d’exercice. Une curieuse tambouille. Aller à un spectacle, ça nourrit l’âme et puis on laisse décanter et on tente de restituer en mots, en matière, ce que l’on a capté de sens(ible).

A chaque fois que je vais voir un spectacle pour le Blog des spectateurs, j’ai la même crainte qui me saisit : vais-je avoir des choses à écrire ? Et s’il ne m’inspirait rien, aucune réaction, aucune émotion ?

Mais une fois de plus, il se passe quelque chose en moi. Et ce soir-là particulièrement, la magie opère.

Crédit photo: PUK-Samia Hamlaoui

L’univers du duo Lacan/Cloche est venu m’emporter, m’extraire du monde réel pendant 1h15, pour me faire ressentir une montagne d’émotions, dont découleront mes mots.

Une fois de plus, mes yeux sont devenus brillants d’admiration pour ces artistes, brillants de fascination pour ce lieu sacré qu’est la scène et qui m’a fait pousser les portes d’une école de théâtre cette année.

Sacré, c’est bien le mot pour parler de Nina Simone, de sa musique et de sa voix.

Sacré parce qu’il est partout et n’est le même pour personne.

Sacré car le premier mot affiché au début du concert, c’est « chapelle », c’est là que tout commence pour les deux petites filles, Eunice et Chloé. Eunice qui fera ses premiers concerts à l’église à 5 ans (« Ses petits doigts qui courent sur les touches alors que ses pieds ne touchent pas encore les pédales. ») et Chloé, enfant, qui adore accompagner sa grand-mère, qu’elle admire, à la messe.

Le sacré infuse ce spectacle, il l’irradie.

Tout en poésie et délicatesse, amené d’une manière originale et bien à elle, ce concert-spectacle chanté par l’artiste au filet de voix si pur, sur le fil, sensible, subtil, aussi doux que du miel, vient nous surprendre et nous embarquer dans son intimité et ses souvenirs.

C’est une balade qu’elle nous propose avec Nicolas Cloche, en évoquant des instants de la vie de Nina Simone, ses combats, et qui, en parlant de sa vie, se raconte elle en filigrane, pudiquement.

Des liens évidents se dévoilent alors entre leurs vies.

Lorsque, tout à coup, j’assiste, immobile à un moment magique. Nicolas Cloche, (excellent musicien et doué en percussions corporelles), se met à jouer un medley des chansons de Nina pendant que Chloé, touchante, si petite et fragile, est adossée au piano et l’enserre presque.

Crédit photo: PUK-Samia Hamlaoui

Un moment suspendu, où l’on retient son souffle, porté par la grâce des deux artistes qui s’accordent à merveille.

Et plus tard, quand C. Lacan est debout face public avec son accordéon et qu’elle joue, tout en fragilité, Sinnerman, une de mes chansons préférées de Nina, alors là, on a décollé.

Ce n’est pas un concert de reprises, Chloé Lacan n’essaie pas d’imiter, de coller à.

Au contraire.

Après avoir collé à tout prix aux désirs des autres durant son enfance, après avoir fait passer les désirs des autres avant les siens, elle s’est reconnectée à elle-même et défend corps et mots sa singularité, incite au pas de coté pour oser être soi et s’affranchir du regard des autres.

Elle dit que l’espace scénique est comme un rêve et c’est bien ce que nous inspire ce spectacle.

Une voix aérienne, légère et ancrée, nous emmène ailleurs. Ailleurs dans ses souvenirs, ailleurs dans les souvenirs de sa grand-mère, (personnage complexe) ailleurs, sur la terre natale de Nina Simone.

Elle réussit à rendre hommage à Nina tout en (se) dévoilant, elle, Chloé, Chloé enfant, Chloé ado, Chloé jeune femme, elle et son univers singulier, elle et son talent de conteuse qui vous captive et ne vous lâche pas, grâce à cette voix et cette présence dont on ne se lasse pas.

Profitez-en, ce spectacle est en tournée bretonne actuellement, c’est le moment d’aller nourrir votre âme avec cette gourmandise musicale !

Pour celles et ceux qui auraient envie de continuer à découvrir Nina Simone, je vous conseille le magnifique et bouleversant documentaire sur sa vie, « What happened, Miss Simone ? ».

A.