Kae Tempest, un bijou de sincérité
Dimanche 20 novembre à 19h55, ça bourdonne dans le Grand Atelier du Lieu Unique : les murmures se multiplient et s’amplifient. Le public est impatient de voir monter sur scène l’artiste britannique Kae Tempest, figure du spoken world.
La première partie de Kae Tempest, Ivy Sole, vient de jouer un set de 30 minutes, avec une vague RNB et Hip Hop qui a su mettre de l’ambiance en ce début de concert. Seule, un verre à la main, j’attends avec excitation.
Puis, les lumières s’éteignent et nous voilà transportés dans le monde de l’artiste, grandiose et puissant.
Sur la scène, un arbre lumineux se dresse, comme seul décor et mise en scène. Kae Tempest est accompagné.e de sa musicienne et amie Hinako Omori aux claviers. L’artiste commence son concert le sourire aux lèvres, et nous parle, discutant avec nous en anglais. “J’adore cet endroit. Votre ville est magnifique. On a vu l’éléphant mécanique aujourd’hui, c’était fabuleux.” On rit et on sent l’authenticité dans sa voix.
Cependant, iel annonce que pendant les prochaines 1h20, iel ne parlera plus et sera uniquement immergé.e dans sa musique. En effet, pendant le reste du concert, Kae Tempest ne s’arrêtera pas une seule fois, plongé.e dans son interprétation, avec des transitions fluides entre chaque chanson.
Dès le troisième titre, je comprends quelque chose de fondamental. Son dernier album The Line Is A Curve est agréable à écouter, mais époustouflant à voir interprété. L’artiste se déplace sur scène, nous “débite” les paroles : un réel un slam poétique et sincère. Celles-ci s’enchaînent, comme de longues rafales, sur un tempo rythmé et rapide. Iel ne semble pas réciter de simples mots mis en vers et en musique : iel les vit. Iel frappe sa poitrine, ferme les yeux lorsque des paroles deviennent trop intenses et presque trop intimes, comme : “I used to make plans, now I make decisions.” (“Avant j’échauffaudais des plans, maintenant je prends des décisions. »)
The Line Is A Curve est un album très personnel, parlant de lâcher prise, d’une lutte contre les angoisses de la vie, mais tout en y apportant une musicalité explosive, rétro et nostalgique, mais surtout pleine d’espoir.
Le plus étonnant et spectaculaire est que nous pouvons nous retrouver dans les chansons, transformant le concert comme une discussion à cœur ouvert, bien que Kae ne nous parle pas directement.
L’arbre sur la scène s’illumine, les palettes de couleurs des projecteurs s’accordent à sa voix puissante et brute, contrastant avec perfection avec la voix douce et délicate de sa musicienne qui l’accompagne au chœur.
Puis vient le titre No Pressure, ma préférée de l’album, que j’attendais avec impatience. Je suis subjuguée : à la fin du morceau, la bande son de la chanson se perpétue pendant de longues minutes. Kae danse et lève les mains, et nous, le public nous acclamons, nous applaudissons, et ressentons la musique. A ce moment précis, nous sommes réellement en osmose avec l’artiste.
Les dernières chansons se mélangent, comme un flou musical et aérien : nous sommes en transe. Je perds la notion du temps, uniquement sous l’emprise de son chant et sa parole. Vient alors le moment où l’artiste nous dit au revoir, réellement touché.e par notre accueil. Je quitte le Grand Atelier émue par la poésie de cette expérience. Moi qui appréhendais de venir seule à un concert, je suis convaincue que c’est de cette façon dont l’on peut pleinement profiter de l’univers musical de Kae Tempest.
Sur le chemin du retour, dans le tramway, je mets mes écouteurs et lance No Pressure, un sourire aux lèvres.
Louise THOMAS