10 mars 2023

« Le porteur d’histoire » ou l’histoire dans toutes ses définitions

Le porteur d’histoire est une pièce de théâtre écrite par Alexis Michalik qui n’a cessé d’être jouée depuis dix ans tant son succès est phénoménal. Le public continue de répondre présent, et la pièce a reçu deux Molière en 2014; celui du meilleur auteur francophone vivant et celui du meilleur metteur en scène d’un spectacle de théâtre privé.

Accompagnée de deux amies, je suis allée découvrir cette œuvre au théâtre 100 noms, curieuse d’enfin voir de mes propres yeux ce dont j’entends parler depuis quelques temps déjà. N’aimant pas lire les synopsis ni regarder les bandes annonces, je ne savais pas à quoi m’attendre et j’ai été très agréablement surprise ! Je dirais même que de mes quelques expériences au théâtre, ce fut la meilleure et de loin.

J’ai tout aimé et admiré : l’histoire, la mise en scène, la salle, la musique, les acteurs.rices… Il est difficile de résumer la pièce tant elle est complexe et emplie d’histoires imbriquées les unes dans les autres. Et même si j’en avais envie, il serait dommage pour ceux et celles qui me lisent de trop en apprendre sur elle, il vaut mieux la voir de ses propres yeux !

crédit: Sli-k/ BK sine photo (site du théâtre)

Si j’ai nommé cet article « L’histoire dans toutes ces définitions », c’est parce que c’est, pour moi, le fil conducteur de cette œuvre. D’ailleurs, la pièce s’ouvre sur un discours sur les sens du mot « histoire », discours qui prend tout son sens au cours de la pièce.

Il y a d’abord l’Histoire avec un grand H. La pièce nous transporte d’époques en époques. Nous passons par Marie-Antoinette, la guerre d’Algérie, les années 80 ou encore le XIVe siècle. La mise en scène prouve qu’avec seulement quelques éléments de décors et costumes il est possible de créer une vraie machine à remonter le temps sans perdre le spectateur. La vie intime de personnages historiques tels que Marie Antoinette, Alexandre Dumas ou encore Eugène Delacroix nous est dévoilée et sert l’histoire de façon juste. J’ai personnellement toujours aimé retrouver des figures plus ou moins connues de touste ; cela permet d’en apprendre plus sur ces personnes qui ont marqué leur temps et les générations suivantes.

Il y a aussi l’histoire dans le sens de légende. L’intrigue tourne autour d’un mystérieux trésor caché par une famille dont le nom n’évoque qu’un mythe, les Saxe de Bourville. Les personnages principaux partent enquêter, convaincus que ça n’en est pas un et vont de découvertes en découvertes, tout comme le spectateur. Un peu à la manière de Da Vinci Code, les protagonistes s’emparent d’une légende et sont embarqués dans l’Histoire jusqu’à en venir à leur histoire.

En assistant à la pièce, on décide – ou pas – de se prendre au jeu, de réfléchir, de se remettre en question, de s’impliquer émotionnellement aussi. C’est là tout le pouvoir de l’art pour moi. Les personnages découvrent le lien qu’ils ont les uns entre les autres ainsi qu’avec leurs découvertes. Ils sont plongés au cœur de leurs origines, qu’elles soient personnelles ou communautaires. C’est à peu de choses près la même chose pour le public : comme les protagonistes, nous sommes touste impacté.es et partons à la quête de nous-même.

Et puis il y a l’histoire fictionnelle, les récits, la littérature, « raconter des histoires ». « Le porteur d’histoire » est une déclaration d’amour aux livres. La vie du personnage principal, Martin Martin, est chamboulée lors de la découverte de manuscrits dans une tombe. Il y a aussi Alexandre Dumas qui apparaît dans la pièce et dont les œuvres inspirent la structure de celle-ci. Tout nous incite à (ré)apprendre des bouquins ; on y comprend qui l’on est, on y voyage, on s’y divertie ou l’on y réfléchir, en tout cas, l’on y trouve des réponses.

crédit: Sli-k/ BK sine photo (site du théâtre)

Le rythme de la pièce est effréné et il en ressort une énergie folle. On est pris au jeu et on s’attache aux personnages très rapidement. J’ai eu l’impression d’être devant un film où les actions s’enchainent et font passer le temps trois fois plus vite. On veut savoir la suite ! C’est l’impression qu’a voulu donner Alexis Michalik en s’inspirant d’Alexandre Dumas notamment. Il a voulu créer la sensation d’un feuilleton haletant où l’on n’a qu’une envie : connaître la suite de l’histoire.

« Pensez donc, s’il existait quelqu’un capable de raconter des histoires si extraordinaires qu’un chapitre seulement paraîtrait chaque matin, et que ce chapitre serait si passionnant que l’on devrait acheter le journal suivant, pour connaître la suite… »

Adélaïde

Avec peu de décor et de costumes, « Le porteur d’histoire » est pour moi la définition de ce qu’est le théâtre : faire imaginer tout un monde (lieux, personnages, actions…) et faire croire à une histoire avec presque rien. Grâce à une mise en scène ingénieuse et des acteur.rices fabuleux.ses, je n’ai eu aucun mal à voguer de terres et terres et de vies en vies, et à devenir enquêtrice, moi aussi.  

La représentation s’est terminée de la plus belle des façons, dans une émotion 100 noms. Des deux côtes de la scène, brisant le quatrième mur, le public a fait une standing ovation, rendant à la pièce ce qu’elle leur avait donné. Cela a beaucoup ému les artistes qui avaient les larmes aux yeux. Ce fût le meilleur moment de spectacle vivant que j’ai eu la chance de vivre. Je recommande à quiconque a envie d’enquêter sur une histoire fabuleuse, de se poser des questions, de rire mais aussi d’être bouleversé, ou tout simplement de venir découvrir l’art du théâtre, d’aller voir le « Porteur d’histoire ».

Par Mathilde RABREAU

Lien vers le théâtre 100 noms

Crédit des photos de couverture + du texte