« Billie », une rencontre artificielle?
Ce dimanche 29 Janvier 2023, après l’annulation d’un spectacle, le théâtre du Cyclope m’a proposé de découvrir « Billie », une œuvre écrite et mise en scène par Corentin Praud, présentée seulement trois fois.
Parlons d’abord du lieu d’accueil : dans la rue Maréchal Joffre, on trouve ce théâtre qui tente de se faufiler entre deux restaurants. On longe un couloir très coloré, on tombe sur une petite cour verte, et nous arrivons dans ce petit théâtre, avec ses sièges très confortables… Un endroit un peu magique en somme, parfait pour un dimanche cocooning.
Sur scène, un objet imposant recouvert d’une bâche. Le résumé de ce spectacle nous donne un indice : «Après une rupture amoureuse douloureuse, Billie décide de tout quitter et de partir vivre à l’étranger. À son arrivée à Toronto, un cadeau particulier l’attend : une baignoire dotée d’une intelligence artificielle : l’I.A.B. Entre la reconstruction personnelle de Billie et la quête perpétuelle d’humanité de l’intelligence artificielle, une relation va naître… » 1
On va retrouver un duo de comédiens quasiment tout le long de ces 1h15. Camille Lelièvre dans le rôle de « Billie », et la baignoire. Cette baignoire est personnifiée grâce à Alexandre Manceau que nous entendons. Puis il aura des interventions orales de personnages secondaires interprétés par Emma Binon & Martin Guyet.
Vous l’aurez donc compris, nous n’avons réellement vu sur scène qu’une des actrices. Déjà je me dis que c’est un sacré challenge. J’avais eu l’occasion de voir Camille Lelièvre sur une autre œuvre appelée « les Zados- Esprit es tu là ? » et déjà j’avais été impressionnée par son jeu. Je n’ai pas été déçue. Et si Alexandre Manceau n’était pas présent physiquement sur scène, on pouvait malgré tout ressentir la justesse de jeu ainsi que la connexion entre les deux comédiens.
On se retrouve très vite plongé dans l’histoire. On partage l’émotion de Billie, on comprend la solitude de cette jeune femme partie loin de chez elle après une rupture pour commencer une nouvelle vie… ça nous parle.
Quant au rapport avec la baignoire, on se fait étrangement très vite à la naissance de cette relation. Le jeu est fluide, juste, touchant. Il y a de l’humour, beaucoup de tendresse et de sentiments. Et même si on est happé par cette histoire, le rationnel nous rattrape régulièrement : jusqu’où cette relation peut elle aller ? Est ce que ça peut virer au malsain ? Que va t’il se passer quand la baignoire ne sera plus fonctionnelle ? Et si elle rencontre quelqu’un, comment va réagir la baignoire ? Ça y est, la machine a gagné. Je me questionne sur la réaction d’une intelligence artificielle, alors qu’elle n’a pas vraiment de sentiment. Elle a été programmée pour donner cette impression d’humanité pour les humains. Et c’est là toute la beauté et l’intelligence de cette pièce. La fin aura fini de m’achever, comme je l’avais redoutée, tout en me surprenant.
J’en suis sortie complètement chamboulée. A pleurer de joie devant la beauté de cette pièce, le cœur serré de ce que ça pouvait résonner en moi, et la tête complètement embrumée par notre rapport aux I.A. En bref, j’ai adoré, j’espère vraiment que ce spectacle sera reprogrammé pour qu’un maximum de gens puisse aller le voir. Bravo aux comédiens, au metteur en scène, et merci au théâtre du Cyclope.
Chronique de Carolina pour l’Atelier des initiatives
Billie
Théâtre du Cyclope
1Extrait de résumé trouvé sur le site du Cyclope