5 mai 2022

« C’est pas joyeux d’être un enfant » Ponette au Cinématographe

Jacques Doillon est un réalisateur, producteur et scénariste français. J’ai souhaité assister à la rétrospective de ses films au Cinématographe car je ne le connaissais pas et j’ai assez peu de culture générale sur le cinéma français.

Je suis donc allée voir le film Ponette, réalisé en 1996. Ce film est centré autour des enfants, comme beaucoup de films de Jacques Doillon, ce qui en fait son thème de prédilection. Je suis entrée dans la salle de cinéma sans attentes aucune, n’ayant même pas lu le synopsis du film, car parfois j’aime bien me laisser porter par l’histoire sans en connaître aucun détails, ainsi je ne peux qu’être surprise !

Et en effet, quelle surprise ! Je suis sortie de la séance en me disant que je venais de visionner l’un des films les plus tristes qu’il m’ait été donné de voir. Ponette raconte le deuil d’une petite fille de quatre ans, nommée Ponette donc. Cela donne déjà la couleur…La mère de Ponette meurt soudainement dans un accident de voiture, la petite en est d’ailleurs aussi victime mais s’en sort avec un bras cassé seulement. A la suite de ce tragique évènement, Ponette va habiter avec sa tante et ses deux cousin.es, Delphine et Matthias, pendant que son père travaille à Lyon.

Je dirais qu’il y a quatre parties au film. Premièrement, la découverte des personnages et de l’intrigue ; on voit le père de Ponette lui apprendre la mort de sa mère, l’enterrement et la séparation père-fille.

Ensuite, il y a toute la partie dans laquelle on voit Ponette subir le début d’un deuil douloureux dans la campagne chez sa tante. C’est à ce moment-là que commence les interactions avec les autres ; que ça soit Matthias, Delphine ou la tante, toustes donnent leurs avis sur la mort de sa mère, sans que Ponette ne le demande. Toutes ces visions de la mort ne font qu’embrouiller la petite fille, notamment lorsque sa tante lui raconte l’histoire de la résurrection de Jésus. Après cela, Ponette se met à croire que sa mère va revenir la voir, va ressusciter elle aussi. Voyant qu’elle passe ses journées à attendre sa mère, la tante et les cousin.es lui disent que les morts ne reviennent jamais, mais Ponette ne veut pas y croire. Jusqu’à la fin du film elle croira en le retour de sa mère et elle l’attendra.

La troisième partie du film met un peu de nouveauté et d’action dans celui-ci, qui devenait un peu long ; Ponette et ses cousin.es vont à l’école en internat la semaine. La fillette est alors confrontée aux avis des autres enfants dans la cour de récré. Elle se met à fréquenter une camarade à la réputation d’« enfant-dieu » qui assure qu’elle pourrait l’aider à parler avec sa mère si elle passe quelques épreuves.

Ponette et Ada (crédit)

La dernière partie du film revient sur Ponette uniquement qui fuit l’école pour se rendre au cimetière où est enterrée sa mère. Après des paroles et des pleurs, sa mère apparait finalement et discute avec elle en la raccompagnant sur le chemin du retour. La toute fin du film montre Ponette qui montant dans la voiture de son père après quitté sa mère, souriant enfin.

Même si je ne m’attendais à rien, ne sachant pas réellement ce que j’allais voir, j’ai quand même été surprise, notamment de l’immense tristesse de ce film. Je trouve qu’il y a de bonnes choses et de moins bonnes. Tout d’abord, j’ai trouvé que c’était une expérience unique, un type de film que je n’avais jamais vu auparavant ; un film mature totalement centré sur les enfants. Les adultes apparaissent très peu et la caméra se fixe vraiment sur Ponette et sur sa vision du monde. C’est assez déroutant au début, mais je trouve cette immersion réussie car on est replongé en enfance. La façon de parler, de jouer, de pleurer, tout parait si réel et honnête. Je trouve par exemple que le personnage d’Ada (l’enfant-dieu) réussi bien à montrer comment agit un enfant en position de leader.  Aussi, la discussion des quatre jeunes filles dans leur chambre sur ce que signifie « être célibataire » montre bien les questions que peuvent se poser les enfants. Il y a beaucoup d’exemples de scènes qui prouvent que Jacques Doillon a réussi à cerner ce que c’est que d’être un enfant, bien que certains dialogues sont un peu trop poussés à mon goût pour des enfants qui, rappelons-le, n’ont que quatre ans.

Egalement, je trouve que les enfants jouent extrêmement bien et sont très convaincants, surtout l’actrice de Ponette, Victoire Thivisol. Elle a d’ailleurs reçu la Coupe Volpi pour la meilleure interprétation féminine à la Mostra de Venise en 1996, ce qui fait d’elle la plus jeune actrice à recevoir ce prix à seulement cinq ans ! Pendant tout le film elle nous brise le cœur et nous fait totalement oublier que c’est une actrice. Pour finir, le thème du deuil chez l’enfant est abordé durant tout le film et est intéressant car peu visible dans le cinéma. Les différentes phases par lesquelles Ponette passe ainsi que ses interactions avec les autres donnent un sens au film.

Ponette priant (crédit)

D’un autre côté, j’ai trouvé le film un peu longuet et vraiment trop triste. Certes c’est un sujet difficile et important mais j’ai eu du mal à supporter toutes les scènes où Ponette pleure (c’est-à-dire beaucoup) ou encore celles où elle appelle sa mère dans le vide. J’ai été assez choquée par le moment où Ponette va voir Matthias dans sa chambre en pleine nuit et lui dit qu’elle a envie de mourir. Elle le répète plusieurs fois, enfonçant le couteau dans la plaie. Ces phrases suicidaires n’étaient pas utiles selon moi. Cette réflexion en découle sur une autre ; je me suis réellement demandé comment une petite fille de quatre ans pouvait jouer un rôle pareil sans être traumatisée, ou du moins un peu affectée. Le prix que la jeune Victoire a reçu a créé débat notamment pour cette raison. Peut-on faire jouer à une enfant de quatre ans le rôle d’une petite fille qui perd sa maman et qui fait son deuil ? Et lui faire dire « j’ai envie de mourir » ? Peut-on faire jouer tout court à un.e enfant un rôle aussi psychologique et difficile ? Et surtout, est ce qu’en 1996 on accompagnait les enfants psychologiquement sur de tels tournages ? Le fait-on aujourd’hui ?  Je laisse ces questions en suspens car je n’ai pas vraiment de réponse, j’admets que le film me permet de me les poser et c’est un sujet intéressant !

Pour finir, je n’ai pas aimé la fin du film, je trouve cela dommage que pour faire son deuil, Ponette finit par avoir ce qu’elle veut et voit sa mère. J’aurais aimé qu’elle fasse son deuil autrement. On peut certes se demander si la discussion avec sa mère était bien réelle, peut-être que Ponette l’a imaginé et a finalement fait avancer son deuil par elle-même ? Mais j’ai un doute sur cela. En effet, Ponette rejoint son père en portant un pull que sa mère lui a donné lors de cette rencontre. De plus, je n’ai pas compris pourquoi tout d’un coup le père qui était si terre à terre tout au long du film ne réagit pas face au pull et face au fait que Ponette dit avoir vu sa mère. Néanmoins, on ne peut enlever au film sa jolie morale de fin. Ponette a commencé à faire son deuil, ainsi elle suit les conseils de sa mère et part enfin vivre sa vie, plus sereine et souriante. Doillon aura au moins laissé aux spectateur.ices le soulagement de savoir que Ponette a envie de vivre et va s’en sortir.

Elle m’a dit d’apprendre à être contente.

Ponette

Pour conclure, j’ai apprécié l’expérience du film « Ponette » de Jacques Doillon car je n’avais jamais vu de film centré à ce point sur l’enfance et ce thème. Il est, je trouve, très juste. J’ai eu le cœur brisé par l’histoire et l’interprétation exceptionnelle de la jeune actrice. Néanmoins, quelques éléments du film m’ont laissé perplexe.

J’ai hâte de voir quelles prochaines rétrospectives le cinématographe va nous proposer ! C’est toujours un plaisir d’y aller.

Mathilde RABREAU

Lien vers le site du Cinématographe : https://www.lecinematographe.com/

Découvrez aussi