Derrière le hublot se cache parfois du linge, par Les filles de Simone
Le titre du spectacle et le nom de la compagnie, Les filles de Simone, annoncent la couleur.. et pas seulement du linge !
A peine quelques minutes après m’être assise, les trois comédiens arrivent sur scène et s’installent pour.. un bord plateau. Ils remercient les spectateurs pour l’accueil et répondent aux questions imaginaires du public, qui est rapidement devenu réceptif à cette entrée en matière décalée, qui fait mouche.
Ce moment hors du temps m’a rappelé le ton des Chiens de Navarre, j’ai trouvé ça très plaisant. Une fois le bord plateau « fictif » terminé, les comédiens annoncent qu’ils vont ranger le décor et qu’ils seront ensuite disponibles pour un verre au bar.
C’est alors qu’ils se mettent effectivement à ranger et à remettre en ordre le décor. Serait-ce pour faire référence au monde à l’envers qu’il faudrait remettre à l’endroit.. ?
Il est difficile de résumer en quelques lignes la diversité des « saynètes » proposées par les trois comédiens, André Antébi, Tiphaine Gentilleau, Chloé Olivères, qui ont pour thème la relation de couple dans une société patriarcale. La rencontre amoureuse, la vie à deux, la répartition des tâches ménagères, la gestion des émotions, l’injonction à la virilité et les problèmes que cela engendre… Qu’il s’agisse d’une tasse pas rangée depuis le matin ou de violences conjugales, tout est abordé avec justesse, finesse, humour et poésie.
Un moment m’a particulièrement touchée, c’est lorsque l’homme est prostré sur sa femme, immobile, et alors qu’est diffusée la sublime musique des Pink Floyd, « Shine on you crazy diamond », la femme va souffler de toutes ses forces dans un tuyau qui va ramener l’homme à la vie, peu à peu. Cette image est forte et se passe de mots, pour illustrer la charge émotionnelle et mentale des femmes vis-à-vis des hommes, le syndrome de l’infirmière, et cette « habitude » qu’ont les femmes à donner toujours plus à leur partenaire, jusqu’à s’oublier complètement.
Ils distillent tout au long de la pièce des références à la tragédie shakespearienne, au vaudeville, évoquent une certaine vision de l’amour, romantique, véhiculée dans bon nombre de films comme ici avec Grease, et bien sûr, ils convoquent Simone De Beauvoir, dans un aparté qui m’a beaucoup parlé sur la zone de solitude à s’octroyer en tant que femme, afin de préserver sa liberté.
Quant au décor, il est ludique, ingénieux et participe fortement à nous mettre dans le bain !
Les carreaux de la salle de bain sont en réalité des tableaux Veleda, le rideau de douche rose fait fonction de rideau de théâtre… Tout est amovible, réutilisé, avec des éléments simples et l’ensemble m’a rappelé une bande-dessinée, avec quelques bulles dessinées au-dessus des différents espaces de jeu, avec la machine à laver qui est éclairée et sa façade est crayonnée…
Les comédiens sont pleins d’énergie, ils ont une belle palette de jeu. Un grand bravo aussi aux trois autrices, Claire Fretel, Tiphaine Gentilleau, Chloé Olivères, qui ont su bien observer, analyser, décortiquer le couple hétérosexuel à travers le prisme du patriarcat, sans jamais tomber dans la caricature et sans charger les hommes non plus.
Je vous recommande donc cette pièce où vous vous reconnaîtrez certainement, peu importe votre genre.
Anaïs