13 avril 2021

Les Courts du Festival du Cinéma Espagnol : regards sur l’humain

Le Festival s’est terminé dimanche soir dernier (le 04/04/2021) et une chose me reste en tête : l’engagement. Politique, sociétal, féministe..toutes les œuvres que j’ai pu voir étaient engagées d’une manière ou d’une autre. Sur les huit courts-métrages en lice, quatre m’ont particulièrement marqués. (attention spoilers)

  • Stains, Roger Villaroya

L’image est en noir et blanc, la caméra filme en gros plan des mains au dessus d’un lavabo, que le propriétaire tente de laver avec acharnement, 1 fois, 2 fois, 3 fois. Quand il les essuie elles paraissent propres mais tâchent la serviette claire d’un liquide que l’on ne peut pas identifier. On sent la tension et la panique grandir au fur et à mesure des lavages. Finalement, face au miroir, la caméra dézoome et on identifie l’insigne de policier sur la chemise de l’homme. La tâche devient fluide comme du sang et déborde dans le lavabo. On suppose alors qu’il a “du sang sur les mains”. 

Ce court est très symbolique et permet de multiples interprétations. On devine une dénonciation des pratiques policières à l’heure actuelle mais aussi, pourquoi pas, la ré-humanisation des policiers. Ce policier vit mal la situation, il ne s’en “lave pas les mains”, on voit clairement son angoisse et sa culpabilité. Je l’ai trouvé court et efficace.

  • La hoguera, Carlos Saiz

Ce court pourrait presque se passer pendant la pandémie, on suit en effet un jeune homme vivant seul dans un immeuble défraichi, dans le centre ville populaire d’une ville proche de la mer. La solitude semble peser lourd sur celui-ci, même lorsqu’il participe à une fête il semble à part, préférerait parler mais est rattrapé par le monde extérieur et ses bruits. l’histoire souligne l’importance des liens sociaux, en particulier familiaux et amicaux. Malgré le conflit qui l’oppose à son père sur ses choix de vie, ils restent très liés et finissent par partir ensemble rejoindre sa sœur en France.

L’esthétique est soignée, les images sont belles et donnent une représentation de l’Espagne de la classe moyenne : immeubles un peu vieillots, mobylette usée. Le rythme est très lent, très atmosphérique. Le court se termine par une jolie note d’amour filial et sa douceur m’a beaucoup plu.

  • El ruido solar, Pablo Hernando

Le court débute par des séquences rapides et entrecroisées, comme prises avec un téléphone de mauvaise qualité : la nature, les gens, la ville ; des détails comme des vues d’ensemble. Une voix off explique assez vite qu’une explosion du soleil a provoqué des flashs médiumniques chez les gens. Certains voient des choses très banales, comme un stand de churros, d’autres des événements cataclysmiques. On comprend que c’est un monde dystopique et que tous ces flashs sont des images du futur. La dernière séquence suit un homme qui a « vu » qu’il devrait sauver des gens en devinant leur nombre. Pour contrer le sort, il s’y entraîne pendant des années, mais le jour venu il est aveugle, incapable de les compter et donc, de les sauver.

Le rythme, la façon de filmer, et la qualité des images fait penser à un zapping télé quelconque, les images sont parfois très belles et poétiques mais l’ensemble donne un sentiment d’angoisse profond. C’est très sombre et cela pose des questions profondes sur la violence et la beauté du monde.

  • Stanbrook, Oscar Bérnacer

Ce court métrage est en noir et blanc et très silencieux. Il se passe lors des derniers jours de la guerre civile espagnole : la confusion qui règne, des gens qui tentent de s’échapper par bateau. Les séquences sont lentes et traduisent l’attente et l’angoisse qui se transforment vite en désespoir lorsque l’équipage du bateau ne peut sauver tout le monde. On suit en particulier un père et sa fille, finalement séparés, le père reste sur le quai.

Si l’émotion était déjà palpable dans cette première partie, la séquence suivante est un vrai choc. Le noir et blanc devient couleur sur la mer. Le bateau croise un canot dans l’autre sens, avec des réfugiés à bord que l’on devine venir d’Afrique. Deux époques s’entrecroisent et soulignent l’incohérence et la violence des politiques migratoires et le manque de solidarité des Européens qui ont pourtant bénéficié, eux aussi par le passé, de la solidarité d’autres pays.

Ce parallèle entre les deux époques m’a énormément marqué et je l’ai trouvé très efficace et très juste.

Fanny


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