7 mars 2022

Nous sommes les amazones du futur

Face à un plateau nu, Marion Thomas fait une apparition discrète sur la (grande) scène du Théâtre universitaire et se plante face à nous.

Elle nous demande alors d’éteindre nos téléphones portables.

Une entrée si spontanée et simple que j’ai cru que le spectacle n’avait pas encore commencé.

La comédienne… la comédienne ou son personnage, on ne sait pas vraiment. La frontière est floue tout comme le genre de ce spectacle. La comédienne donc, Marion Thomas, s’adresse à nous façon stand-up, nous parle d’elle frontalement pour une transition en douceur vers le sujet de ce spectacle ovni (qui lui n’est pas si doux) : le changement climatique, euh non parce que ça, c’est utilisé par les climato-sceptiques, nous informe Marion, alors disons plutôt… la crise climatique, euh..non parce que ça, ça indique une sortie de crise.

Oui, Marion Thomas aime les mots, les mots précis, elle a le mot juste, et si par mégarde, elle trébuche sur une syllabe, elle se reprend aussitôt. Ce n’était pas pour me déplaire.

La comédienne aborde alors son éco-anxiété avec beaucoup d’humour, le fait que ce soit déjà trop tard pour améliorer la situation climatique du futur, un futur proche. Elle fait plein de petits gestes pour la planète au quotidien, comme nous elle suppose, mais c’est aussi une enfant des années 80, biberonnée aux publicités à la télévision et au consumérisme généralisé.

C’est ce qui explique qu’aujourd’hui, elle ne peut s’empêcher de chiner et dénicher des pulls à motifs de dinosaures par paquets de douze. Une forme de pulsion liée à son adoration pour les dinosaures.

Oui, ce que Marion Thomas nous raconte, en nous parlant de ses pulls, c’est de nos paradoxes à tous, de notre culpabilité, et notre impuissance face à une situation qui va bientôt nous dépasser.

Pendant la première partie, la fluidité et l’éloquence avec laquelle elle nous livre ses connaissances sur tout un tas de sujets variés font mouche. Je bois ses paroles, attentive.

On sent qu’elle en sait des choses, qu’elle en a lu des articles et elle arrive à nous intéresser à des sujets improbables comme le tombeau mortuaire de la peuplade des Scythes, originaires d’Asie centrale, qui se nomme le kourgane, les différents matériaux qui composent le grille-pain et leur origine géographique entre autres.

Elle nous image aussi très bien les expériences atroces qui ont été faites et sont toujours faites sur les rats en laboratoires, créant ainsi une multitude « d’espèces » de rats malades, aveugles, et autres joyeusetés.

Les sujets s’enchaînent façon poupées russes, j’ai apprécié ce moment d’effervescence intellectuelle et c’est pour moi le point fort de sa proposition ovniesque.

En revanche, à partir du moment où elle marche dans un monde post-effondrement, en 2050, là j’ai décroché. Plusieurs longueurs, des moments où elle disparaît du plateau pendant de longues minutes et le fait qu’elle installe son campement en fond de scène, m’ont fait décrocher bien qu’elle ait réussi, grâce à ses mots, à me faire visualiser le monde dans lequel elle évoluait, face à nous.

Je me suis également interrogé sur la pertinence d’occuper une scène aussi grande pour une performance qui aurait été davantage mise en valeur dans un espace intimiste selon moi. Ou bien était-ce volontaire afin de souligner l’immensité du monde dans lequel elle se retrouve, seule, avec pour unique compagnie des rats (et le grille-pain Claude) ?

Nous sommes les amazones du futur est donc une création à découvrir, ne serait-ce que pour le jeu de la comédienne et l’originalité de sa proposition.

Anaïs

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