18 novembre 2021

Une descente à l’entre-deux-verres

Veille du 11 Novembre, dans les parages du Parc des chantiers

La fanfare de sirène était telle qu’on put croire à une répète pour le lendemain. Mais non, c’était bien pour mézigue. J’avais voulu faire le mariole et me retrouvais désormais les flics aux trousses, risquant l’échafaud. Qu’est-ce que c’était que ce flambeau là ? Près du quai, un gnard isolé me tournait le dos, les bras levés vers le ciel pour prendre en photo des lanternes volantes. L’occasion était bonne. Je l’estourbis promptement et le rançonnai, avant de l’attacher derrière l’urinoir.
« Voyons, un billet de spectacle ? «Je n’irais pas à Sing Sing » au Théâtre 100 Noms … hum, bonne planque, ça me botte ! »

Fly, fly, white lanterns – crédit photo : CTF

La pièce se déroule en pleine période de prohibition américaine, dans un club clandestin au sous-sol du Cotton Club, dont la taulière est la fille de l’ancien patron, emprisonné suite à la dénonciation de la tenue de cette même activité à l’étage supérieur. Les 5 acteurs se retrouvent dans un semi huis clos, ne disparaissant au final que peu de la scène suite à leur introduction. Leurs rôles sont piochés dans diverses strates de la société, se réunissant autour de cette même passion de s’enquiller des guindals, ou à l’inverse, de réprimer cette pratique.

Les pelures et parures sont pimpantes et chics, pleines de petits détails, comme le petit cœur rose collé sous un des godillots du “policeman”. Je dois avouer que je m’attendais à plus d’aspects musicaux, dans un esprit plus comédie musicale ou peu s’en faut. Mais l’ambiance jazzy d’époque est bien présente de bout en bout, pour porter l’action qui est vraiment très rythmée. Pas le temps de roupiller, on ne voit pour sûr le temps passer. Ça n’arrête pas et la sueur qu’on voit perler sur les acteurs n’est pas feinte.

Pris dans ce chambard contrôlé, une maladresse d’un des acteurs finit par se produire, tôt rattrapée par des échanges rigolards improvisés avec ses autres comparses. Les gags visuels sont réussis, certains sont dans un esprit proche du slapstick (Keaton et Chaplin sont d’ailleurs évoqués). Aussi particulièrement, j’ai goûté aux beaux moments en “arrêt sur image” de l’action, tantôt pour de la narration, tantôt pour des flashbacks ou des flashforwards, ou encore dans un esprit cartoon et qui ne doivent pas être une mince affaire à caler.

Les dialogues comportent un certain nombre d’anachronismes assumés, souvent liés aux multiples citations et pastiches de chansons, discours politiques ou publicités(?). Ce n’est pas un procédé dont je suis le plus grand client mais elles étaient bien intégrées au récit et certaines ont fait rire à s’en démancher la gargamelle certains de mes proches voisins. Plusieurs m’ont fait gamberger quant à leurs sources, et j’en ai assez sûrement loupé une partie. Mais l’avantage d’en multiplier, de nombreuses sources et époques, est que chaque génération en a pour son compte.

Cette combine avait été des plus agréables et sans rien avoir eu besoin d’allonger. Je me carapatai tout de même prestement de la salle. Au loin dans la nuit bien entamée, les sirènes continuaient.
“Lui rêve de me mettre au chaud, et moi de le refroidir !” avait bonni la patronne de la pièce.
Ce soir, on continuerait à rêver de me mettre au frais, et moi de ne pas être mûr pour me faire cueillir.

Vadim Belloc

Prochaines représentations: le 20 Novembre à l’Espace Culturel du Doué
le 8 Décembre de retour au Théâtre 100 Noms


Site de la Suprême Fourbi Compagnie

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