BLOG NOMADE: « Le violon ou rien »
Le Blog Nomade, qu’est-ce que c’est ?
L’histoire que nous vivons tous et toutes ensemble nous freine, nous fait toucher nos limites, nous oblige à imaginer, à créer autrement.
D’habitude, à l’Atelier Des Initiatives, des jeunes sortent, nourrissent leur curiosité en allant voir des spectacles, en partageant leur critique…
Qu’à cela ne tienne !
L’Atelier Des Initiatives accompagné par les bénévoles, ensemble, nous poursuivons cette route de la découverte et de la créativité. Muni.e.s d’un stylo, d’un portable qui fait maintenant beaucoup de choses, les jeunes du Blog des Spectateurs et du Parcours des Fabriques mettent leur casquette de reporters nomades et vont interviewer, filmer les acteurs.trices culturel.le.s de Nantes, nous partager la force de créativité qui émergent in situ de ces lieux.
ICI, c’est Fanny et Emma, blogueuses nomades, qui ont rencontré 2 violonistes de l’ONPL, Ségolène et Dominique, au sein du Foyer d’Urgence St Benoît Labre.
Lundi 8 Février 2021
Dans une petite rue du Bas-Chantenay, le foyer d’urgence de l’association St Benoît Labre est en effervescence. Et oui, malgré la pandémie et ce mois de février un chouïa froid et humide, c’est jour de concert ! Grâce à un partenariat avec l’Orchestre National des Pays de la Loire, le foyer reçoit aujourd’hui Dominique et Ségolène, deux violonistes de talent, à jouer devant les résidents. Un concert solidaire et humain qui fait chaud au cœur et à la tête et permet de s’échapper, le temps d’un concerto de Bach, loin des actus.
Accueillies par les volontaires en service civique qui nous expliquent la difficulté actuelle de trouver des activités intéressantes à faire au sein du foyer et qui se réjouissent de l’organisation de ces concerts, nous prenons place sur la vingtaine de chaises installées pour l’événement. “C’est la seconde fois que le foyer accueille l’ONPL, la dernière fois c’était clarinette et bassons et ça avait beaucoup plu, car ce sont des personnes très isolées (…). Le foyer accueille environ 40 sans-abris et des réfugiés tout au long de l’année, c’est important de tout faire pour maintenir le lien social.”
Ensuite c’est Doriane, chargée d’action culturelle de l’Orchestre National des Pays de la Loire (ONPL), qui nous rejoint et prend le temps de nous expliquer la démarche. Cette dernière existait avant le COVID mais s’est intensifiée depuis le début de la pandémie, il y a des concerts tous les jours depuis le début de l’année ! Les musiciens de l’ONPL vont à la rencontre des personnes isolées et permettent l’accès à la culture pour tous. Les concerts solidaires ont beaucoup de succès que ce soit dans les EHPAD, les foyers, les écoles. Niveau financement, c’est l’ONPL qui a pris charge ce concert solidaire. Ensuite, les musiciens s’inscrivent sur la base du volontariat et se mobilisent en fonction de leur planning. Pour Doriane c’est “une vraie chance de pouvoir continuer à travailler”. Son optimisme est communicatif.
Car aujourd’hui, en effet, l’important c’est de pouvoir jouer. “Le violon ou rien”, c’est d’ailleurs ce qu’affirment haut et fort Ségolène et Dominique, violonistes depuis leur plus jeune âge et qui ont fait de leur passion leur métier. Alors que concerts et répétitions rythmaient leurs journées auprès de l’Orchestre National des Pays de la Loire (ONPL), les artistes voient leur activité bouleversée. Depuis le début du confinement, elles jouent chez elles, seules. Bien que les violonistes parviennent à prévoir quelques répétitions à plusieurs, les contraintes restent importantes. Le plus difficile ? La distanciation sociale entre chaque musicien. Pas simple quand tout se fait à l’oreille et au contact de l’autre… “On ne peut pas partager de pupitre, on peut plus déconner” nous avoue Ségolène.
Et puis, elles ne peuvent, évidemment, pas faire de concert. Comme elles nous le confient à la fin de la session, la plus grande difficulté est de continuer leur activité sans pouvoir se fixer d’objectifs. Répéter pour un concert et répéter pour ne pas perdre sa technique sont deux exercices bien différents. “Notre métier s’appelle spectacle vivant, et en ce moment, ça perd tout son sens. On a beau aimer ça, y a un moment où on perd la motivation, on ne sait plus pourquoi on le fait ” constate Ségolène.
Heureusement, les artistes trouvent un peu de réconfort et de motivation dans les événements solidaires mis en place sur Nantes et dans la région. Ces 45 minutes qui peuvent paraître anodines représentent de véritables bouffées d’oxygène pour les artistes. “Le concert d’aujourd’hui, c’est important pour nous, ça nous donne un objectif, donc c’est positif”. Dominique approuve en nuançant : “Les concerts solidaires c’est super pour les musiciens, mais c’est aussi un peu étrange… on peut jouer dans des EHPAD mais pas dans des salles. On en profite mais on ne trouve pas ça forcément normal”.
Dominique et Ségolène sont passionnées et ont envie de transmettre leur amour de la musique, leur intervention dénote une sincère envie de partage. Les deux violonistes échangent avec le public pendant le concert, expliquent leurs choix de morceaux puis se prêtent avec joie au jeu des questions réponses : “le violon c’est plus dur que le piano ? (Oui. Rires) Comment devient-on une meilleure violoniste ? (En s’entraînant tous les jours, parce que c’est difficile et que ça se perd très vite)”. Un joli moment hors du temps, où l’on échange sur la musique et les passions de chacun.e.
En coulisses, elles nous apprennent que ce n’est que la seconde fois qu’elles se prêtent à l’exercice. Mais quand on leur demande ce que signifie pour elles “un concert solidaire”, leur réponse fuse : “personnellement je trouve qu’on est presque beaucoup plus impliquées quand on fait ce genre d’intervention ; impliquées mentalement et émotionnellement aussi” explique Dominique, “On est plus proche du public que dans une salle classique où l’approche est plus conventionnelle, presque protocolaire. On a hâte de recommencer.” ajoute Ségolène.
Il est 16h. Pendant une heure le foyer d’urgence a battu au rythme d’un tango de Diego Collatti ou d’une mélodie yiddish. Les violonistes s’apprêtent à ranger leurs violons, c’est l’heure du goûter pour les résidents. Il faudra bientôt rejoindre la réalité morose de ce début d’année. Les musiciennes ne peuvent s’empêcher de laisser poindre leur inquiétude : “Le pire c’est l’incertitude, on ne sait pas quand ça va revenir.” soupire Dominique. « Oh beh quand même en Septembre ça devrait revenir non ? Le vaccin, tout ça. Non ? » interroge Ségolène en levant les bras au ciel. On rit mais le cœur n’y est pas tout à fait…
Malgré tout, violonistes et blogueuses veulent rester optimistes. Une bonne nouvelle déjà : l’ONPL continuera ses concerts solidaires en 2021, un motif de réjouissance presque vital, pour les musiciennes comme pour le public : “C’est pas un métier qu’on fait par dépit, mais par passion, donc forcément il y a plein de demandes. Tous les musiciens sont hyper contents de pouvoir le faire”. se réjouit Ségolène.
Demain ? On se (re)verra bien.
Merci à Fanny et Emma: blogueuses nomades pour leur engagement
Merci à Clémence Seince et Doriane Bazelaire: Chargée d’action culturelle et territoriale, Médiatrice de l’ONPL pour l’organisation de ce moment
Merci au Foyer d’Urgence St Benoît Labre pour leur accueil