Joueurs : « l’art de ne jamais désespérer »
Le vendredi 25 février se jouait une pièce de théâtre d’objet de la compagnie Les Maladroits à l’Auditorium de la Soufflerie de Rezé.
Thomas (incarné par Hugo Vercelletto) de retour en France après un voyage en Cisjordanie retrouve son ami Youssef (joué par Benjamin Ducasse) dans son atelier d’artiste pour lui narrer ses péripéties et la vie là-bas. Par son témoignage, il rapporte la petite histoire dans la grande histoire du conflit israélo-palestinien.
Le théâtre d’objet, consistant à détourner des objets du quotidien pour en faire des marionnettes et des décors, est un procédé auquel je ne suis pas habitué. Des briques empilées puis brisées au marteau pour montrer le bombardement d’immeubles, des bâtiments représentés par des théières et des personnages et véhicules miniatures, les différents objets étant positionnés et déplacés sur le vif, sans interruption de la narration. Parfois avec l’établi comme support, et des éléments miniatures de différentes tailles pour zoomer sur l’action. Malin.
Au travers et en parallèle, les acteurs jouent à deux les différents rôles et les différentes situations, au présent, dans le contexte de l’atelier d’artiste en France, et au passé, rejouant la voyage Thomas et ses rencontres.
« C’est une occupation militaire, un apartheid »
La vulgarisation du contexte historique est approchée par le “jeu de la colonisation”, sorte de Risk mâtiné de jeu de la guerre enfantin. Dans l’opposition de nos deux joueurs, et leurs deux camps, qui définissent et redéfinissent les frontières avec du gaffer et positionnant les villes et colonies, en assemblages de briques, bouts de bois et théières. Ou invoquent des règles ad hoc comme de mauvais tricheurs, mettant en avant par la raillerie la complexité et l’absurdité de certaines des situations.
J’ai trouvé très pertinente cette réutilisation des mêmes éléments un peu bruts pour exprimer les changements et transformations permanentes. En particulier l’image de la mer, ici Israël, montant et ne laissant apparaître plus que des îles, la Palestine, évoquée à l’aide d’une bâche bleu et de bouts de bois, qui était un très beau parallèle.
« Aujourd’hui c’est devenu un archipel »
Je ne sais pas quelle part de cette pièce résulte de l’expérience personnelle de Hugo Vercelletto qui a lui-même réalisé un voyage en Cisjordanie ou des recherches réalisées lors de l’écriture. Parlant de la même réalité, il est aussi assez certain que son témoignage recoupe les mêmes constats. Mais les anecdotes des clefs des maisons conservées comme des reliques dans les camps et la logique d’empilement générations par générations des domiciles des réfugiés, ici montré avec des bouts de bois empilés au fur et à mesure et cloués, m’ont fort fait penser au film d’animation Wardi qui les contient aussi. Ce film mêlant dessin animé et marionnettes se déroule au sein d’un camp de réfugié au Liban et se trouve être une des influences de cette pièce, comme j’ai pu le constater par la suite en parcourant le très intéressant carnet de création mis à disposition par la compagnie.
« Comment j’ai fait pour vivre avec autant d’insouciance ? »
J’ai aimé que cette pièce parle avant tout des peuples qui subissent les décisions de leurs dirigeants. En pas de côté par rapport à la tension assez systématique sur ce sujet dans les conférences de géopolitique ou dans les grands médias, mais sans pour autant occulter la complexité du conflit entre Israël et Palestine. Sujet qui résonnait d’autant plus fort, en ce lendemain du retour de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
CTF
Site de la compagnie Les Maladroits
Prochaine représentation à proximité de Nantes le 7 Avril à La Chapelle-sur-Erdre