15 février 2023

Faut s’tenir, une réflexion percutante sur le thème de la culpabilité

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Une critique, par essence, c’est subjectif. On donne notre point de vue, notre ressenti sur une œuvre, qui part de notre vécu, de notre humeur à ce moment-là, de notre perception du monde. Mais celle-ci aura une saveur particulière pour moi, une dimension plus émotionnelle, puisqu’il s’agit d’un spectacle de Chloé Martin. Chloé, je l’ai découverte sur scène avec son seule en scène La part égale, qui tourne toujours et que je vous recommande chaudement, un soir d’hiver en 2012.

Une critique, par essence, c’est subjectif. On donne notre point de vue, notre ressenti sur une œuvre, qui part de notre vécu, de notre humeur à ce moment-là, de notre perception du monde. Mais celle-ci aura une saveur particulière pour moi, une dimension plus émotionnelle, puisqu’il s’agit d’un spectacle de Chloé Martin. Chloé, je l’ai découverte sur scène avec son seule en scène La part égale, qui tourne toujours et que je vous recommande chaudement, un soir d’hiver en 2012.

Une critique peut être une clé, une passerelle vers une rencontre, un déclencheur à.

Et c’est ce qui s’est passé avec Chloé Martin. Après avoir vu son premier spectacle, je lui ai envoyé timidement un message de remerciement pour cette création intelligente, drôle, sensible et engagée, qui est venue me toucher droit au cœur. Suite à ça, j’ai écrit une critique radiophonique et quelques temps après, on se rencontrait.

Dix ans après, je retrouve Chloé avec un autre spectacle qu’elle a écrit, Faut s’tenir. Elle partage la scène avec son frère, Klovis, musicien. (beat box, loop, chant) Moi qui à l’époque étais une étudiante un peu perdue mais déjà passionnée de théâtre, je suis aujourd’hui, dix ans après, toujours étudiante, mais en école de théâtre. Et si je n’ai pas renoncé à cette envie d’être comédienne, si j’ai osé passer une audition, c’est en partie grâce à des artistes comme Chloé Martin. Alors merci à elle.

Faut s’tenir questionne la capacité à dire lorsque nous sommes victime, coupable ou témoin.

Chloé Martin

Une fois de plus, la comédienne réussit à créer des personnages bien marqués sans être caricaturaux, auxquels on peut s’identifier facilement.

Ça a été le cas pour moi avec la petite-fille notamment, à qui on demande de finir son assiette alors qu’elle n’a pas faim, et que l’on va culpabiliser en lui parlant des petits africains qui meurent de faim. Qui n’a pas vécu cette scène étant enfant ? Pourquoi les parents nous font-ils culpabiliser sur ce rapport à la nourriture ? Est-ce un moyen de transférer leur propre culpabilité sur nous ?

Ce moment, qui arrive au début du spectacle, interroge une scène de vie « anodine » qui ne l’est pas tant, qui banalise, normalise la culpabilisation au nom de la famine. Pas de manichéisme ici, l’artiste explore toutes les nuances, toutes les facettes et les multiples paradoxes qui constituent un être humain.

Deux moments m’ont particulièrement plu et touchée. Le premier c’est la scène du tribunal, d’une précision incroyable, où Chloé Martin incarne tour à tour le juge, et les avocats des deux parties, le tout accompagné par les bruitages et sons de Klovis. Un tour de maître, qui m’accroche et me fascine, comme la première fois où je l’ai vu. La forme vous saisit autant que le fond. Une victime de viol va être jugée : coupable ou non-coupable ? Au passage, une belle critique acide de la justice.

Le second moment que j’ai beaucoup aimé, c’est ce passage où Chloé raconte son voyage au Togo et le projet théâtre qu’elle a créé là-bas. Le sentiment de fierté en Afrique, nous apprend la comédienne, ça se partage, c’est collectif. Ce moment est une bouffée d’humanité et de joie, une respiration qui fait du bien, et puis cette danse et cette musique à la fin, qui donnent des frissons.

La richesse de l’écriture de Chloé Martin est de créer des personnages et des situations très proches de la réalité, dans des situations quotidiennes, et qui portent en eux une dimension plus profonde, des questions de société, amenées subtilement. Oser dire, oser s’exprimer, surtout quand on est une femme, n’est pas si facile. Quand on ne nous a pas appris, quand parfois on ose dire mais que ce n’est pas compris, que ça se retourne contre nous, que la victime devient coupable lorsqu’elle ose prendre la parole, dans une famille notamment. Ne pas oser affirmer son point de vue face à un médecin, qui abuse de son « statut », et s’en vouloir juste après. Se censurer, ne pas s’écouter sont autant de petites violences que l’on s’inflige toutes et tous au cours de notre vie.

Je ressors du spectacle, des réflexions plein la tête, en fredonnant la chanson togolaise « Magble wo »…

Anaïs

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