Balcon 1, Fauteuil B40, Musique. {ONPL}
Nantes, Cité des Congrès, 20h.
Il faisait bon pour un soir d’octobre, j’étais à l’heure et de bonne humeur, tout allait pour le mieux. J’ai trouvé tout de suite et sans chercher, coup de bol. On pouvait lire au loin près du Novotel
Nantes, Cité des Congrès, 20h.
Il faisait bon pour un soir d’octobre, j’étais à l’heure et de bonne humeur, tout allait pour le mieux. J’ai trouvé tout de suite et sans chercher, coup de bol. On pouvait lire au loin près du Novotel
« Nouveau Monde ONPL, entrée par l’Auditorium >>> »
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Première étape, passer la double fouille des sacs, biper les billets. Puis, trouver les escaliers, analyser le numéro de ta place, trouver le balcon pair ou impair, être content d’avoir trouvé son siège et s’asseoir. ( Note : tu devras forcément te relever dans deux minutes pour que Monsieur ou Madame puisse passer dans la rangée pour accéder aux sièges après toi donc ne te mets pas trop à l’aise non plus.
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La Cité des Congrès est un bâtiment immense et impressionnant, on est comme une petite fourmi parmi la foule. J’ai toujours apprécié les ambiances de pré-spectacle. On sent comme une impatience, une appréhension grandissante de la part de tous, des discussions de partout, des crunch crunch pour ceux qui n’ont pas eu le temps de manger, des « ça va commencer à l’heure tu penses ?
», des cliquetis d’ongles sur les écrans. On se retourne on regarde ces voisins de chaises, on se penche des balcons pour voir la salle dans son entièreté et wow il y a du monde ! Sur la scène en contrebas, les musiciens étaient déjà installés mais le public ne semblait pas y prêter attention. Il fallait que les lumières s’obscurcissent pour que tout devienne réel.
La lumière se tamise. Silence.
Le spectacle devait se dérouler en trois parties distinctes. Je ne vais pas écrire cet article avec des « Tout d’abord, Ensuite, Enfin » on en a déjà assez mangé. Je vais les réintituler Entrée-Plat-Dessert, j’espère que vous me suivrez. En plus d’être plus simple, c’est de cette manière que j’ai ressentie le spectacle, on commence doucement et on finit par le meilleur.
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L’entrée
Après avoir contemplé la lune, composé par Sophie Lacaze en 2011.
Cette pièce est à l’origine d’une commande de Radio France. Ayant pour objectif d’être diffusée à la radio, on lui a demandé cinq mouvements d’une durée précise. Sophie Lacaze décide alors de partir d’un point de départ visuel : elle nous a sélectionné 5 œuvres d’art en lien avec la Lune et va les transcrire en musique. Elle s’inspire également des légendes populaires et de rituels slaves pour la création de cette œuvre musicale.
(Les tableaux en question pour les petits curieux : Kissai mari patari, Denis Nonna / The wole city, Max Ernst / Lune en colère, Guy Bompais / The domain of Arnheim, René Magritte et le célèbre La nuit étoilée de Van Gogh)
Si jamais vous êtes curieux, je vous conseille vraiment d’essayer ça :
1- Pose-toi à ton bureau, sur ton lit ou sur une table.
2- Allume ton enceinte, pose ton casque ou glisse tes écouteurs dans tes oreilles.
3 - Choisi une musique sans parole qui te plait, quelle qu’elle soit.
4 – Clique sur Play et laisse-toi guider par la musique. Note ce qui te vient sur une feuille blanche. Des mots qui te viennent à l’esprit, une ambiance, ce que tu ressens. Trouve des couleurs qui correspondent à cette musique. Puis essaie de trouver une image, un dessin dans ta tête.
Ça parait abstrait et complétement perché je te l’accorde (j’ai moi-même été très sceptique sur cet exercice au départ) mais j’ai eu l’occasion de faire cette expérience l’année dernière pour mes cours et j’ai été hyper étonnée du résultat ! C’est super sympa à faire, c’est vraiment une autre manière de percevoir les choses. Lors de sa présentation, Sophie Lacaze nous a expliqué son processus d’inspiration, j’ai de suite pensé à ça donc je souhaitais vous le partager.
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Pour en revenir au spectacle, nous avions avec nous annexe avec les visuels des tableaux qui lui ont servi de source. J’ai trouvé très amusante la manière dont elle a retranscrit le visuel en sonore. Je n’imaginais pas du tout les tableaux avec ces musiques
. L’interprétation est propre à chacun, c’est fou. À titre personnel j’ai trouvé la composition quelque peu répétitive et peu expressive. Sophie Lacaze a décidé de faire jouer les instruments très peu fort, probablement dans une idée d’harmonie avec les silences. Le tout accompagné de sons rappelant la nuit, le vent, les grincements. C’était finalement un ensemble assez calme.
J’ai plus été happée par les musiciens sur la scène. Voir ces hommes et ces femmes tout de noir et blanc vêtu qui commencent à jouer et à bouger leurs mains avec une cadence et une synchronisation impressionnante, c’est un moment spécial quand on n’a jamais assisté à ce type de concert.
Le plat
Kindertotenlieder, composé par Gustav Mahler (1860-1911) et accompagné par la voix de la mezzo française Eva Zaïcik.
Traduit de l’allemand par Chant pour les enfants morts, Kindertotenlieder ce sont cinq chants inspirés des poèmes de Friedrich Ruckert. Friedrich Ruckert livre la souffrance qu’il a lui-même ressenti dans sa vie, il a plusieurs de ces enfants. Mahler a souhaité jouer la douleur de Friedrich. Le compositeur ayant lui-même perdu un jeune frère ainsi que sa fille d’une maladie foudroyante, il s’imaginait très bien ce que le poète avait pu ressentir. Il a voulu l’exprimer par la musique
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Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. La traduction est quelque peu morbide.
J’ai finalement été agréablement surprise. J’ai beaucoup aimé qu’une voix vienne s’ajouter à l’orchestre. Une musique avec des paroles ne se ressent pas de la même manière qu’une musique instrumentale. Perchées du haut de notre balcon, voir cette grande dame postée juste à côté du chef d’orchestre, le dos droit et les épaules relevées ça donne juste envie de se taire. On sait qu’elle a de l’importance et qu’à l’instant où elle va ouvrir la bouche tout va commencer. Il faut écouter.
Les gestes endiablés puis sans transition d’une douceur inexpliquée provenant des mains du chef d’orchestre m’ont hypnotisé. Un tas de questions se sont bousculées dans ma tête. Comment fait-il pour diriger tout un orchestre ? Comment se fait-il comprendre ? Comment répète-t-il ces mouvements ? Est-ce qu’ils sont seulement planifiés ou est-ce qu’il se laisse simplement porter par la musique ?
Tel un sorcier vaudou, il contrôle tout de la pointe de sa baguette ou du bout de ses doigts. La salle et les musiciens.
Si ce n’est pas fascinant, je ne sais pas ce que c’est. Le voir gesticuler avec une énergie qui semble toute droit sortir des notes de musique. On dirait qu’il voit des choses que nous ne voyons pas. Il vit la musique, je trouve ça fascinant.
Eva Zaicik quant à elle nous fait voyager avec douceur, elle se laisse porter par la musique et la porte en même temps.
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Le dessert
Je vais terminer sur une note sucrée, « Le meilleur pour la fin » comme disent les bons français.
Je tiens juste à adresser un remerciement spécial aux personnes qui se sont retenues de tousser pendant la durée des tableaux musicaux, merci vous êtes cool :-)
Symphonie n°9 du Nouveau Monde, composée par Antonin Dvorak (1841-1904) en 4 mouvements.
À peine la musique avait-elle commencé BAM on se prend une tornade dans la figure. Les deux pieds dedans directement, j’adore. Cette sensation de claque musicale soudaine, ça m’a dessiné un sourire aux lèvres. C’est à ce moment précis que je prends conscience de la puissance et de la force qu’est capable d’avoir l’orchestre.
On s’en prend plein les oreilles.
C’est encore une autre facette du classique que nous avons pu découvrir lors de ce spectacle. Et c’est de loin celle que j’ai préférée. J’ai été impressionnée par le volume musical que les instruments peuvent atteindre à l’unisson. Ce sont des goûts personnels mais j’apprécie les ruptures et les changements de rythme dans les musiques classique. On passe du doux, au calme, au reposant, il y avait beaucoup de contraste entre force et légèreté, vitesse et douceur. C’était une petite balade ce morceau.
Étant donné que le spectacle avait commencé depuis plus d’une heure mon regard ne se focalisait plus sur les mêmes éléments. Et pourtant il y a une chose en particulier que j’ai regardé du début jusqu’à la fin. C’est le mouvement des musiciens. La symphonie de leurs gestes et la passion avec laquelle ils jouent. Je n’imagine pas les heures de travail pour avoir un tel contrôle de leur instrument.
J’ai aussi souvent regardé le chef d’orchestre pour décrypter ces mouvements à mi-chemin entre la danse sataniste et la précision d’un horloger.
Ce que je trouve formidable avec la musique et d’autant plus avec le classique c’est que l’on n’a pas besoin de comprendre les paroles pour ressentir des émotions. On est tellement habitué à avoir des chanteurs aujourd’hui que quand on prend le temps de se focaliser sur la beauté de la musique seule on trouve du sens au registre classique. Beaucoup de jeunes ont un a priori sur ce genre musical de par sa réputation « pour un public intellec’ ». Et pourtant c’est super cool 😀
Fin du spectacle.
Horde d’applaudissements. Le chef d’orchestre sort de scène. Revient. Applaudissement. Il sort. Revient. Applaudissements de nouveau
(il l’a fait 5 fois)
Sensation de fourmillement dans les mains. On bouge les mains comme des abrutis pour que les fourmis partent
. C’était cool, on ressort le sourire aux lèvres tout comme la plupart des spectateurs qui avaient l’air satisfait de leur venue.
Avec la présence de mon acolyte postée au siège 38 j’ai susnommé Mathilde (je voulais mentionner ton nom quelque part dans l’article, ça sera à la fin quel privilège)
J’étais très curieuse de me rendre à un événement classique. Je n’avais jamais eu l’occasion d’assister à un concert classique ou lyrique. Je ne regrette pas d’y être allée et j’invite sincèrement les gens qui se disent « je n’ai jamais été
» à aller voir. Que vous ressortiez en ayant aimé ou détesté, ce n’est pas grave.
Mais allez voir par vous-même, soyez curieux et faites vos petites fouines 🙂
Par Romane Boutfol
Programmation 2021-2022 de l’ONPL : https://onpl.fr/saison-2021-2022/