12 mars 2021

BLOG NOMADE: « On est immergé, émergé, il se passe des choses et c’est ensuite une succession d’incarnations. »

Larsen/Sans Fond : pièce chorégraphique et musicale hybride performée en direct, issue du plus ample projet « Sonars » (Projet Art et Sciences La Carène-Brest avec le CNRS

Le Blog Nomade, qu’est-ce que c’est ?

L’histoire que nous vivons tous et toutes ensemble nous freine, nous fait toucher nos limites, nous oblige à imaginer, à créer autrement.

D’habitude, à l’Atelier Des Initiatives, des jeunes sortent, nourrissent leur curiosité en allant voir des spectacles, en partageant leur critique…

Qu’à cela ne tienne !

L’Atelier Des Initiatives accompagné par des jeunes motivé.e.s, ensemble, nous poursuivons cette route de la découverte et de la créativité. Muni.e.s d’un stylo, d’un portable aux multiples fonctions, les jeunes du Blog des Spectateurs et du Parcours des Fabriques mettent leur casquette de reporters nomades et vont interviewer, filmer les acteurs.trices culturel.le.s de Nantes, nous partager la force de créativité qui émergent in situ de ces lieux.

ICI, c’est Sami et Wendy, fabriqueur.se.s nomades, accompagné.e.s par Constance, chargée de l’action « Visites de Coulisses » à l’Atelier Des Initiatives, qui interviewent les protagonistes de la création « SANS FOND / LARSEN », à la sortie de leur résidence au sein de la Fabrique de Chantenay !

Fabrique de Chantenay-Bellevue

Les Fabriqueur.se.s : Parlez-nous un peu de vous et de votre parcours ? Ce qui vous a amené à travailler ensemble sur le projet Larsen/Sans Fond que nous venons de voir ?

Nadège Renard : Je commence, je suis scénographe-costumière. J’ai fais les Beaux-Arts et ensuite la formation de scénographie de l’Ecole d’Architecture de Nantes. Pour la scénographie de ce projet, c’est une collaboration avec Caroline Denos que je connaissais déjà avant et je fais les costumes du spectacle.

Caroline Denos : Je suis danseuse et chorégraphe. J’ai fais le Conservatoire, mais pas de grande école de danse. Je me suis formée par mes propres moyens. Le projet est né d’une rencontre avec François Joncour qui travaillait déjà sur le projet « Sonars » à la Carène à Brest en tant que musicien. J’ai eu envie qu’on travaille ensemble, donc on est parti sur un projet d’arborescence entre art et science en y injectant de la danse, de la scénographie et des lumières.

Bénédicte Michaud : Je fais les lumières de ce spectacle. Je travaille pour différentes compagnies de danses contemporaines, pour des théâtres et des salles de concerts. J’avais déjà 25 ans quand je me suis dit que c’était possible pour une femme de faire ce métier, donc j’ai fais une formation qui dure 8 mois, qui nous apprend à câbler les projecteurs et connaitre un peu l’électricité. Avec Caroline, on s’est rencontrées à Brest il y a quelques années sur un spectacle d’un autre chorégraphe. On a commencé ensuite à travailler sur ce projet là. On a la chance d’avoir le choix et de choisir les personnes avec lesquelles on travaillent.

François Joncour (alias Poing) : Je suis musicien du spectacle. Je m’intéresse à la capture sonore d’éléments concrets. Avec Caroline, on s’est rencontrés à l’occasion d’une petite performance que j’ai effectuée autour de sons capturés par des hydrophones dans l’océan Arctique par des scientifiques, dans le cadre du projet Art et Science « Sonars ». Caroline a commencé à danser de façon improvisé sur ce projet et de fil en aiguille cela a donné naissance à la pièce chorégraphique et musicale Larsen/Sans fond. Cela vient apporter du mouvement au projet « Sonars » qui n’est que sonore. C’est aussi la première fois que je travaillais avec une danseuse.

https://francoisjoncour.com/arts

Les Fabriqueur.se.s : Pour la pièce Larsen/Sans Fond, les mouvements sont-ils justement improvisés ou y-a-t-il une structure commune pour vous coordonnez entre le son, le mouvement et la lumière ?

Bénédicte Michaud : On a chacun une trame en plusieurs parties et après dans les parties, on a plein de choses qui bougent en fonction de ce qu’on ressent et ce qu’on perçoit. Moi ça m’arrive d’être emportée par la musique et de partir avec. Mais des fois, je prends un peu le contre-pied, parce-que je regarde aussi Caro qui danse et cela amène autre chose.

Caroline Denos : C’est semi-écrit, on sait où on va et jusqu’où. On a plus ou moins des rendez-vous. On aime bien justement que ça cale et que ça colle, mais par le hasard un peu. Ce n’est pas que du hasard, après il y a aussi beaucoup de travail derrière. On a chacun pleins d’outils et on sort les outils dont on a besoin à chaque moment où on le sent. Ça me plait beaucoup ce côté là. C’est-à-dire que deux représentations à suivre ne seront jamais pareilles.

Les Fabriqueur.se.s : On a remarqué une petite Télé posée au sol face aux spectateurs, est-ce que c’est pour vous repérer dans cette trame ou est-ce seulement pour le public ?

François Joncour : Oui c’est pour le public. Grâce à une caméra de surveillance, l’écran relai ce que je suis en train de faire avec mon synthétiseur, sur mes mains.

Les Fabriqueur.se.s : Pour ce spectacle, est-ce qu’il s’agit de sons concrets enregistrés ?

François Joncour : Non, il y a beaucoup de synthés sonores et la plupart des sons sortent du synthétiseur. Il y a quand même des sons de claquements qu’on entend qui sont pris dans un laboratoire du CNRS. C’est un outillage que j’ai séquencé, j’ai capturé le son et après j’en ai fait des éléments rythmiques. Dans le début de la 2ème partie, ce sont des sons de glaces capturés par des hydrophones en Arctique. Ces sons sont traités et beaucoup travaillés. Il y a des légers bruits d’écoulements qui peuvent donner l’idée sous marine, mais on est plutôt sur une abstraction.

Les Fabriqueur.se.s : Pouvez-vous nous parler un peu plus de la scénographie, des costumes et du maquillage ?

Caroline Denos : J’ai eu besoin d’aller au-delà de l’aspect scientifique et de nourrir encore plus mon imaginaire. Comme on était dans l’Arctique, je me suis un peu plus intéressée aux humains là-bas et aux Inuits en particulier. J’ai lu un livre d’anthropologie sur « Les objets messagers de la pensée inuit » de Giulia Bogliolo Bruna, qui parle de chamanisme et d’animisme et ça nous a donné pleins d’idées. Avec Nadège, on est parties sur un manteau Inuit très particulier et le maquillage que je porte est aussi inspiré d’un tatouage que portaient les femmes Inuits. J’ai aussi trouvé une image d’un chaman Inuit, sur laquelle il porte ces fameuses mains en bois que l’on retrouve dans le spectacle. Comme il y avait déjà un travail sur les mains dans la pièce, j’ai demandé à un ami sculpteur de les créer d’après la photo. L’idée c’est qu’il y est plusieurs objets, plusieurs formes et que le spectateur voyage avec et il en fait ce qu’il veut. Le micro de scène au dessus figure un hydrophone, il amène de la verticalité et montre que l’on est sous l’eau. On est immergé, émergé et il se passe des choses et c’est ensuite une succession d’incarnations. On veut partager aux spectateurs, le côté immersif.

Les Fabriqueur.se.s : Quel est le futur du projet dans ce contexte particulier ?

Caroline Denos : On était plus ou moins programmés en mars pour un gros festival à Brest, mais cela ne se fait pas car tout est annulé. On verra, il ne faut pas perdre espoir.

Camille Fortin, responsable communication et médiation de la Fabrique de Chantenay : C’est compliqué en ce moment. On reçoit beaucoup d’artistes en résidence, car les lieux restent encore ouverts pour de la résidence à défaut de la diffusion, mais la question c’est l’avenir de ce qui est créé à l’heure actuelle vu que malheureusement l’horizon ne se dégage pas. Beaucoup de projets ne sont pas véritablement sortis et n’ont pas été vus. Ce n’est pas simple. « Tout le monde – collectivités, salles de spectacle – se pose la question de ce que l’on peut faire, et c’est vrai qu’on arrive à un moment donné où l’on a peu de solutions. Le projet Larsen/Sans fond est transposable dans des espaces très différents, donc c’est aussi intéressant à l’heure actuelle, où justement on se pose la question du hors les murs qui est plus simple à gérer du point de vue sanitaire.

Caroline Denos : C’était une envie dès le départ et ensuite une adaptation à l’actualité que de nous aussi être adaptable à jouer ailleurs dans d’autres contextes et d’autres lieux. On a envie d’expérimenter pleins de choses autour de ce projet et c’est ouvert, on essaye d’aboutir une forme mais on n’a pas envie de fermer quoi que ce soit. C’est une pièce qui va encore beaucoup bouger.


SONARS –
teaser
Sans Fond / Larsen – par François Joncour & Caroline Denos

Merci à Sami et Wendy, Fabriqueur.se.s Nomades engagé.e.s

Merci à Bénédicte, Caroline, Nadège et François; Artistes de Sans Fond / Larsen pour leur partage, écoute et disponibilité

Merci à Camille, Responsable communication et médiation de la Fabrique de Chantenay pour son accueil et présence

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