1 février 2022

Nuées : “Perdus entre deux mondes”

Le 18 Janvier, dans le cadre du festival Trajectoires, se tenait au Grand T une représentation de Nuée par et interprétée par Emmanuelle Huynh.

“Saurais-je dire si j’ai aimé ?” est la première question à m’être venu en sortant de cette courte et dense pièce chorégraphiée d’Emmanuelle Huynh. Il ne fallait clairement pas être venu dans un état d’esprit fermé au fait d’être perturbé par une performance de danse singulière. Et encore moins être venu pour voir de la danse “académique” comme j’ai pu entendre mes voisins le regretter en de vilains termes au moment de partir. Pour moi, ce n’est pas forcément quelque chose de désagréable d’être un peu perdu à essayer de raccrocher les wagons. La lecture partielle du programme pour resituer le thème et le contexte avant la représentation ayant sans doute aidé à ne pas décrocher.

La pièce débute dans le noir. Seuls des mots en blanc, sur un écran pour lors indistinguable, forment un poème parfois désarticulé, et focalisent notre attention. Notre vue s’habituant à se surgissement de lumière franche dans l’obscurité, c’est à peine si l’on remarque que le reste du décor progressivement s’éclaire jusqu’à nous permettre enfin de distinguer Emmanuelle Huynh en fond de scène. Et mon ressenti est que ce jeu sur la lumière et l’espace, conçu par Caty Olive, est assez représentatif d’une volonté générale de dérouter, surprendre notre perception, de faire s’interroger. De laisser à comprendre plus ou moins indirectement.
Chose peut être plus difficile à déceler au premier abord dans la prose projetée de Gilles Amalvi, qui semble purement confus. Ce texte d’ambiance, au bon sens du terme, qui se déstructure, se recombine, se dérobe, se mélange, se confronte à l’action.

perdus entre deux mondes

Car il y a beaucoup de déclencheurs pour nos sens en peu de temps. La musique, les cris, les extraits sonores, le contre-jour, les fumigènes … les différents éléments se combinent, articulent le récit et se confrontent les uns aux autres. Ce que j’ai compris comme portant la ou les dualités des mondes d’Emmanuelle Huynh, entre Vietnam et France. Mais, peut être trop dans l’optique de capter chaque détail, j’ai l’impression d’avoir parfois manqué d’une vision de l’action comme un tout. Si bien que saisi sans vraiment arriver à intellectualiser pourquoi et par quoi, j’ai ressenti des frissons durant certains passages.

ce pied est royal

La chorégraphie, je trouve, oscille entre expression d’une “forme humaine”, elle-même Emmanuelle Huynh ou son double, et l’utilisation de son corps comme outil. En particulier dans le passage évoquant la guerre, j’ai trouvé son incarnation d’armes réellement forte visuellement et émotionnellement. Et possiblement parce que, même si j’avais déjà vu de la danse contemporaine, je ne suis pas expert du sujet, je me suis retrouvé désarçonné par la position floue de la frontière entre danse et performance dans ce travail chorégraphique.

Alors saurais-je dire si j’ai aimé ? Définitivement, je ne sais pas le dire. J’ai été surpris, ému, perdu, fasciné … Et c’est sans doute là une réussite de Nuée, de ne pas laisser indifférent ou indolent face à ses propositions.

CTF

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