Sommet du romantisme : Brahms et Schumann à l’honneur avec l’ONPL
Pour cette deuxième partie de saison, l’Orchestre national Pays-de-la-Loire (ONPL) a décidé de nous faire voyager ! Il y a eu le programme « Fièvre latine » proposé en début mars. Une « Soirée américaine » est prévue en mai. Quant à moi, j’ai choisi le spectacle « Sommet du romantisme » pour partir à la découverte des compositeurs germaniques Johannes Brahms et Robert Schumann.
Amatrice de musique jouée en live mais n’ayant pas de culture musicale très développée, j’apprécie habituellement les concerts donnés par l’ONPL car ils sont accessibles aux néophytes. Ainsi, les programmes proposés pour la Cuisine du chef, la Fête de la musique et pour les soirées des étudiants incluent des prises de parole entre deux œuvres. Je trouve toujours ces commentaires très instructifs et pédagogiques, car ils permettent de mieux comprendre l’intention du compositeur, ses influences et ses enjeux.
A mon plus grand regret, les partitions de Johannes Brahms et Robert Schumann ont été interprétées sans préambule. J’ai tenté de me fier à mes seules émotions pour vivre le temps suspendu du concert et pour interpréter par moi-même chaque morceau et fonction de son rythme, de sa tonalité et des instruments choisis. Ce qui n’est pas toujours évident !
Pour rédiger cet article, je me suis donc appuyée sur mes perceptions, mais aussi sur des lectures réalisées par la suite. Eh oui, je ne voulais pas vous laisser aussi désemparés que moi ! Par chance, la Revue de l’orchestre offerte par l’ONPL à l’ouverture des portes est très complètes. Et c’est d’ailleurs en lisant a posteriori ce livret que je me suis rendue compte que mon interprétation divergeait parfois franchement.
A la découverte du romantisme allemand
Né en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle avec Beethoven, le romantisme est un mouvement culturel, artistique et musical qui tranche avec le classicisme. D’un point de vue stylistique, il s’affranchit des règles très strictes qui dominaient jusqu’alors.
Des instruments auparavant secondaires sont mis en avant au sein de l’orchestre, comme la clarinette, la harpe ou encore l’alto. Et bien sûr le piano prend place sur scène (nous en aurons une bonne illustration avec l’Allegro appassionato de Schumann, même si Chopin demeure le maître en la matière) et éclipse définitivement le clavecin !
Enfin, les compositions romantiques sont reconnaissables avant tout par leur intensité dramatique et leurs mélodies expressives qui reflètent les préoccupations et les états d’âme de leurs auteurs.
« Schumann fut un fou de musique, comme d’autres sont des fous de Dieu. Sa vie et son œuvre se découvrent comme un carnaval d’émotion et le reflet d’une sensibilité à fleur de peau. »
Charles Gardou, écrivain
Les œuvres chorales de Brahms
Dans le grand auditorium de la Cité des Congrès, le chœur de l’ONPL fait une entrée magistrale sous les applaudissements. Il va avoir un rôle prépondérant dans la première partie de soirée. En effet, Johannes Brahmes mobilise fortement les voix dans Nänie et Le chant du destin, comme pour conjurer son immense solitude… Lui qui eut une correspondance ambiguë avec Clara, la femme de Schumann, puis décida de demeurer célibataire le reste de sa vie.
Dans Nänie, les choristes déclament un long poème sur une mélodie funèbre comme le faisaient les pleureuses qui étaient embauchées pour les obsèques à l’époque romaine. Le texte est celui du poète Schiller qui reprend certaines scènes mythologiques pour évoquent la fugacité et la tristesse des vies humaines. Cependant, sans ces éléments de contexte et sans connaître un seul mot de la langue allemande, j’ai surtout ressenti à travers ce long crescendo de 14 minutes une immense douceur grâce à l’élégance du solo de hautbois et des cordes pincées avec délicatesse.
Le Chant du destin offre une construction très différente. Le premier mouvement s’ouvre sur la rythmique des timbales similaire à un battement de cœur. J’y voyais le début d’une histoire d’amour, mais le livret de l’ONPL le compare à l’errance de l’Humanité (quand je vous dis qu’il est difficile de se fier à mon seul ressenti) ! Une fois les pulsations estompées, le chœur prend la relève. D’abord il se lamente puis s’emporte soudainement. Le rythme gagne en intensité, les instruments évoquent un orage, je pense vivre la passion, la jalousie et la colère… Mais il s’agit en réalité d’une musique radieuse qui décrit l’existence des âmes bénies d’après le texte explicatif !
Vous l’aurez compris, la grille d’analyse me manquait pour apprécier cette deuxième partition… Cependant, malgré mes erreurs de compréhension, j’ai été profondément touchée par la musique à la fois douce et puissante de Brahms.
L’amour selon Schumann
Durant l’entracte, le chœur de l’ONPL s’éclipse. C’est un instrument monumental qui attire désormais l’œil pour le début de la deuxième partie : un piano à queue. Et c’est le chef invité Christian Zacharias lui-même qui décide d’en jouer ! Cela n’est pas étonnant : le maestro est d’abord un grand pianiste qui s’est produit comme soliste à travers le monde. Dans l’Introduction et Allegro appassionato, le piano mène la danse. Et quelle danse ! C’est un mouvement tempétueux, avec de nombreux changements de rythme, qui bousculent les autres instruments.
« Le piano se fond à l’orchestre de la manière la plus subtile – impossible de penser l’un séparément de l’autre »
Clara Schumann
Je ne peux pas dire que je suis très réceptive à ces cassures et revirements, mais il ne fait aucun doute qu’ils traduisent l’esprit tourmenté du compositeur. Son mal-être était tel qu’il fit une tentative de suicide puis fut interné au sein d’un asile pour aliénés de Bone où il passa les dernières années de sa vie.
Pour conclure en beauté, la soirée se termine avec la Symphonie n°4 de Schumann en ré mineur. De la sélection opérée par l’ONPL pour ce programme, c’est sans aucun doute la partition qui illustre le mieux le sommet du romantisme ! L’enchaînement des mouvements sans aucune pause instrumentale, la fougue qui l’anime du début à la fin, et l’expressivité de sa mélodie en font une œuvre majeure. Le compositeur introduit également la circulation des thèmes selon un système cyclique, comme le fera plus tard Tchaïkovski.
Elle est la mise en musique d’un amour intense. Après avoir été séparé de force de sa muse Clara par le père de celle-ci, Robert Schumann célèbre les retrouvailles et le déferlement des émotions : « ma prochaine symphonie s’appellera Clara et j’y peindrai son portrait avec les flûtes, les hautbois et les harpes ». Ici, pas de risque de contre-sens : la puissance dramatique prend aux tripes !
Cette sortie à la Cité des Congrès a été pour moi l’occasion d’enrichir mon éducation musicale en m’initiant au romantisme allemand à travers l’écoute des œuvres de Brahms et Schumann. Néanmoins, il m’a manqué une clé de lecture qui m’aurait permis de rentrer plus rapidement dans chaque œuvre, de gagner en concentration et d’apprécier pleinement cette soirée. Si, comme moi, vous avez besoin d’être accompagné dans votre découverte de la musique philharmonique, je vous encourage à privilégier les temps de vulgarisation, comme par exemple le programme « Contes et légendes » qui sera joué à Nantes le 16 avril prochain.
Chronique de Maurane pour l’Atelier des initiatives
Sommet du romantisme
ONPL à la Cité des Congrès